Résumé
Les battements auditifs binauraux sont un phénomène perceptif qui se produit lorsque l’on présente séparément à chaque oreille deux tons dont la fréquence diffère légèrement. Il a été révélé que les battements binauraux peuvent, entre autres, influencer la cognition et les états mentaux. L’objectif de cette méta-analyse était d’étudier l’effet des battements binauraux sur la mémoire, l’attention, l’anxiété et la perception de la douleur. Vingt-deux études ont répondu à nos critères d’inclusion pour cette méta-analyse. Les résultats, basés sur 35 tailles d’effet, ont montré un niveau d’effet global moyen, significatif et constant g = 0,45). Les résultats de la méta régression ont indiqué qu’il ne semble pas nécessaire de masquer les battements binauraux avec un bruit blanc ou un bruit rose en matière d’efficacité, on obtient des effets similaires avec des battements binauraux non masqués.
En outre, les résultats suggèrent que l’exposition aux battements binauraux avant, et pendant la tâche donne des résultats supérieurs à l’exposition pendant la tâche. La durée d’exposition a contribué de manière significative au modèle en indiquant que des périodes plus longues sont recommandées pour garantir une efficacité maximale. Notre méta analyse vient s’ajouter aux preuves croissantes que l’exposition aux battements binauraux est un moyen efficace d’affecter la cognition, au-delà de la réduction des niveaux d’anxiété et de la perception de la douleur sans formation préalable, et que la direction et l’ampleur de l’effet dépendent de la fréquence utilisée, du temps d’exposition
et du moment où l’exposition a lieu.
Conclusion
L’objectif de cette méta-analyse était de fournir une estimation globale de l’efficacité des battements auditifs binauraux sur deux fonctions cognitives (la mémoire et l’attention), ainsi que sur l’anxiété et l’analgésie.
Nous avions l’intention de répondre à deux questions : (a) quelle était l’ampleur globale de l’efficacité de l’exposition aux battements binauraux sur les résultats sélectionnés, et (b) y avait-il des attributs des battements binauraux qui modéraient systématiquement cette efficacité ?
Cette méta-analyse a fourni des preuves solides, bien que modestes, concernant l’efficacité des battements binauraux sur la mémoire, l’attention, l’anxiété et l’analgésie. Sur la base de nos résultats, nous pouvons observer que l’exposition aux battements binauraux alpha (3 ES), bêta (10 ES), gamma (1 ES) et thêta (6 ES) a affecté les performances des tâches requérant la mémoire, et que cet effet dépend de la fréquence utilisée : effet positif pour les fréquences alpha, bêta et
gamma, et négatif pour la fréquence thêta (à l’exception des études 2 et 27).
Par ailleurs, les battements binauraux se sont avérés efficaces pour réduire la quantité de médicaments requis pour l’anesthésie préopératoire. Les études 10 et 21 ont toutes deux appliqué des battements binauraux multicouches, tandis
que l’étude 25 n’a pas fait état de la fréquence utilisée. L’efficacité des battements binauraux dans la réduction des niveaux d’anxiété après l’exposition au delta/thêta a également été confirmée dans toutes les études incluses (k = 5), bien que l’étude 29 n’ait pas mentionné la fréquence utilisée.
Enfin, on remarque que l’attention a également été affectée par l’exposition aux sons binauraux. Toutes les études (k = 7), à l’exception de l’étude numéro 17, ont montré des effets positifs sur l’attention en utilisant les fréquences alpha, bêta et gamma ; sur la base de nos résultats, nous pouvons supposer que la réduction de l’efficacité observée dans l’étude 17 était due au moment de l’exposition — uniquement pendant la tâche — et au masquage du rythme binaural par la musique.
En ce qui concerne ces variables modératrices potentielles, les résultats ont fourni des preuves appuyant l’hypothèse selon laquelle le moment de l’exposition joue un rôle essentiel dans l’efficacité des battements binauraux, montrant un effet plus important lorsque l’exposition se produit avant, et pendant l’exécution d’une tâche. En outre, il semble que le temps d’exposition ne produise pas d’accoutumance aux battements binauraux comme cela a été initialement supposé (Vernon, Peryer, Louch, & Shaw, 2014). Au contraire, nos résultats indiquent une relation positive entre le temps d’exposition et l’ampleur de l’effet, ce qui reflète le fait que non seulement il est conseillé de passer par une phase d’induction pour s’assurer que la fréquence souhaitée est entraînée par le moment où commence l’événement ou la tâche à mesurer, mais aussi que le temps d’exposition doit être suffisamment long pour obtenir un bénéfice maximal.
Conformément à cette suggestion, il est recommandé de procéder à une phase d’induction afin de s’assurer que la fréquence souhaitée est entraînée par le moment où l’événement ou la tâche à mesurer commence, mais aussi que le temps d’exposition est suffisamment long pour obtenir un bénéfice maximal. Des études récentes ont démontré que pour provoquer des changements dans presque toutes les régions corticales, l’exposition aux battements binauraux devait durer de 9 à 10 minutes (Jirakittayakorn & Wongsawat, 2017 ; Seifi Ala, Ahmadi-Pajouh, & Nasrabadi, 2018).
En ce qui concerne le masquage des battements binauraux, nos conclusions ont indiqué que les battements non masqués étaient associés à des tailles d’effet plus importantes que les battements binauraux masqués par la musique, mais aucune différence n’a été constatée en ce qui concerne le bruit rose ou le bruit blanc. Nous pouvons émettre l’hypothèse selon laquelle la moindre efficacité observée avec les battements binauraux intégrés à la musique pourrait être due à une certaine interférence entre les fréquences présentes dans la musique et les battements binauraux, car il a été signalé que les rythmes musicaux, même lorsqu’ils ne sont pas strictement périodiques, entraînent le mouvement du corps (London, 2004 ; McAuley, 2010 ; Phillips-Silver& Keller, 2012).
En ce qui concerne la fréquence des battements binauraux, nos résultats indiquent que les battements binauraux à fréquence complexe (c’est-à-dire multicouches) ont produit l’effet le plus important. En raison du nombre limité d’études qui se sont penchées sur les battements binauraux multicouches (k = 3), il est plausible que ces résultats ne soient valables que pour les procédures chirurgicales et ne puissent pas être généralisés à une plus large gamme d’applications telles que l’amélioration de la mémoire ou la réduction de l’anxiété. Les études futures devraient aborder cette question et déterminer si la réduction de l’analgésie peut être extrapolée à tous les types de procédures chirurgicales et autres domaines d’amélioration cognitive, et si les battements binauraux multicouches offrent un effet plus important que les battements binauraux simples.
Bien que la plupart des études aient trouvé des différences significatives entre la stimulation binaurale et les conditions de contrôle, il est nécessaire d’identifier pourquoi certaines études n’ont pas pu trouver de telles différences. Certaines variables pourraient potentiellement expliquer les différences entre les études en matière d’efficacité. Par exemple, une des variables qui pourraient jouer un rôle crucial dans l’efficacité des battements binauraux serait la fréquence porteuse, qui gagnerait à être étudiée dans le cadre de futures recherches afin de déterminer si différentes gammes de fréquences produisent des résultats autres. Le temps d’exposition, le moment de l’exposition (c’està- dire avant et pendant la tâche), et le type de son qui a été utilisé pour masquer le battement binaural sont d’autres variables pouvant modérer l’efficacité des battements binauraux que nous avons incluses dans cette méta-analyse.
En outre, nous ne devons pas oublier qu’il existe une différence de perception des battements binauraux entre les hommes et les femmes (Oster, 1973 ; Tobias, 1965) et que d’autres différences interindividuelles pourraient modérer les résultats. Par exemple, les niveaux individuels de dopamine méso-striatale — mesurés directement par le taux de clignement des yeux spontanés — ont été trouvés pour déterminer le degré auquel les battements gamma binauraux affectent la cognition (Reedijk et al., 2013 ; Reedijk et al., 2015). Cela pourrait potentiellement s’expliquer par une plus grande sensibilité et un système dopaminergique méso-striatal plus réactif qui initie les processus neuronaux plus efficacement en raison d’un état hypodopaminergique, qui peut être prédit par le taux de clignement spontané (Jongkees & Colzato, 2016).
Cette plus grande sensibilité est fréquente dans les différences liées à l’extraversion et implique une réactivité sensorielle accrue, comme des seuils auditifs et sonores plus bas (Smith, 1968 ; Stelmack & Campbell, 1974), et des amplitudes potentielles plus importantes liées à des événements visuels précoces comme le N1 (Rammsayer & Stahl, 2004).
En outre, les introvertis semblent plus sensibles aux changements induits de l’activité dopaminergique, tandis que les extravertis présentent un mécanisme de compensation plus efficace par lequel l’homéostasie de la neurotransmission est maintenue (Rammsayer, Netter & Vogel, 1993).
Il est donc primordial de déterminer comment ces variables affectent l’efficacité des battements binauraux et quelle est la fréquence porteuse optimale pour pouvoir utiliser les paramètres les plus efficaces et ainsi tirer le meilleur parti des battements binauraux. Pour les raisons susmentionnées, la fréquence des battements binauraux doit être ajustée en fonction du sexe de l’auditeur afin d’obtenir des résultats similaires et comparables en tenant compte des différences individuelles liées à l’extraversion. Une façon de réduire ces différences liées à l’extraversion pourrait consister à utiliser des tonalités porteuses à des fréquences plus élevées où aucune différence significative de sensibilité entre les extravertis et les introvertis n’a été observée (Stelmack & Campbell, 1974).
Un certain nombre de limitations ont pu influencer les résultats obtenus dans la présente méta-analyse.
Par exemple, à l’exception de l’étude 29, les autres études incluses avaient une taille d’échantillon modeste (n < 70) qui peut compromettre la puissance statistique et les estimations en surestimant l’efficacité des battements auditifs. Le biais de publication est toujours un problème dans la méta-analyse, bien que les tests statistiques effectués n’aient pas suggéré la présence d’un biais de publication. Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que si nous avions inclus toutes les études non significatives et donc non publiées, l’estimation des tailles d’effet ait été potentiellement plus faible. En outre, un plus grand nombre d’études est nécessaire, car, à l’heure actuelle, il existe un très petit nombre d’études s’étant penchées sur les applications pratiques des battements auditifs binauraux.
Aussi, malgré l’importance de la fréquence porteuse, nous n’avons pas pu l’intégrer dans notre analyse, car un grand nombre des études incluses (33 %) n’ont pas communiqué de telles informations. Il est essentiel de suivre les lignes directrices en matière de notification pour progresser dans ce domaine. Enfin, en raison du nombre limité d’études incluses (k = 22), les effets d’interaction n’ont pas pu être examinés et il est possible que la puissance statistique n’ait pas été suffisante pour effectuer une méta régression. Les associations obtenues dans la méta-régression doivent être considérées avec prudence, car elles possèdent une capacité d’interprétation plus faible que celles obtenues à partir de comparaisons randomisées en raison de leur nature observationnelle et non causale (Thompson & Higgins, 2002).
Les résultats de cette méta-analyse sont encourageants et devraient être validés par des études sur des échantillons plus importants afin de garantir que l’efficacité observée peut être reproduite et appliquée à d’autres domaines tels que la mémoire implicite et épisodique. Par ailleurs, les résultats obtenus à partir des méta régressions devraient également être confirmés dans des études futures, car ils sont limités, dans la mesure où les prédicteurs n’étaient pas fondés sur la théorie. Il est aussi essentiel de valider l’idée que l’exposition avant, et pendant la tâche produit une plus grande efficacité que pendant la tâche seulement.
Pris ensemble, ces résultats suggèrent que les battements auditifs binauraux affectent la mémoire, les niveaux d’anxiété, l’attention et la douleur perçue de manière passive et automatique, et que la direction et l’ampleur de l’effet sont déterminées par la fréquence des battements binauraux, le moment et la durée de l’exposition. Les mécanismes qui expliquent comment la stimulation binaurale se traduit par des changements psychophysiologiques sont encore inconnus. Par conséquent, des travaux supplémentaires dans ce domaine sont nécessaires et pourraient conduire à une meilleure compréhension de ce phénomène et à de nouvelles applications pratiques dans lesquelles les battements binauraux pourraient s’avérer plus efficaces.
Note aux lecteurs : nous vous conseillons de vous renseigner auprès de votre professionnel de santé avant d’entreprendre une quelconque démarche.
Sources : Efficacy of binaural auditory beats in cognition, anxiety, and pain perception: a meta-analysis. Psychological Research 83, 357–372 (2019).
https://doi.org/10.1007/s00426-018-1066-8
Miguel Garcia-Argibay,
Miguel A. Santed,
José M. Reales
Auteurs(es) internationales
Article paru dans le SVB 2020 disponible ici.
Si ce contenu vous a intéressé, lisez également notre article sur la psychologie positive!