Par Tomy-Richard Leboeuf McGregor
Directeur général
Vivre avec la fibrose kystique
Les personnes qui vivent avec une maladie rare ou orpheline ont des préoccupations bien particulières à leur situation qui, malheureusement, ne trouvent pas écho dans le débat politique sur les soins de santé en général. La campagne qui nous occupe en ce moment n’y fait pas exception.
La fibrose kystique est la maladie orpheline la plus commune au Québec, touchant environ 1500 personnes. Depuis quelques années, les avancées technologiques et médicales repoussent l’espérance de vie de ces personnes, à preuve les 2/3 ont maintenant plus de 18 ans. Depuis 1985, Vivre avec la fibrose kystique, l’organisation que je dirige, veille à défendre et à protéger les droits des personnes vivant avec la fibrose kystique. Si la situation de nos membres au Québec peut susciter l’envie lorsqu’on se compare avec le reste du monde, il n’en demeure pas moins que plusieurs de nos préoccupations, qui rejoignent également beaucoup d’autres Québécois, doivent être réglées par ceux qui, le 1er octobre 2018, formeront le prochain gouvernement. Nous désirons profiter de l’élection en cours pour sensibiliser les candidats de l’ensemble des formations politiques afin qu’ils prennent clairement position sur trois enjeux liés à notre condition que sont le don d’organes, l’accès aux médicaments et l’accès à la fécondation in vitro (FIV).
Le don d’organes
Statistiquement parlant, vous avez plus de chances, dans votre vie, d’avoir besoin d’une transplantation que de pouvoir devenir donneur. S’il y a donc un dossier dont l’ensemble des Québécois devrait soutenir, c’est celui de la promotion du don d’organes. Au cours des dernières années, le don d’organes est devenu un sujet moins tabou et a suscité de vives discussions.
Saviez-vous qu’actuellement, peu importe la façon dont vous avez signifié votre consentement au don d’organes, il sera toujours possible pour le proche d’un donneur potentiel de mettre fin au processus? Il faut trouver un moyen d’affirmer le consentement ou le refus de façon libre et éclairée et qui ne pourra pas être renversé par les proches au moment venu. Plusieurs autres aspects doivent être réglés, mais avant de procéder, il faudra assurément tenir une commission parlementaire sur le sujet, dans le même esprit non-partisan que celle qui a mené à la loi sur les fins de vie (Mourir dans la dignité).
L’accès aux médicaments
Parlons maintenant de l’accès aux médicaments novateurs. Ces derniers sont utilisés fréquemment dans le traitement des maladies orphelines comme la fibrose kystique. La plupart coûtent extrêmement cher et ne sont pas inscrits sur la Liste des médicaments remboursés par la RAMQ. Rappelons que les traitements inscrits sur cette liste sont automatiquement couverts tant par la RAMQ que par vos assurances privées. Néanmoins, le Québec a mis en place un programme unique au pays, celui du patient d’exception. Ce programme permet la couverture par le régime public d’assurance médicaments des médicaments non-inscrits sur la Liste des médicaments remboursés par la RAMQ. Les conditions sont plutôt strictes et, malheureusement, les assureurs privés ne sont pas tenus d’accepter de couvrir les médicaments qui pourraient l’être grâce à ce programme.
Nous sommes d’avis que le gouvernement doit soumettre les assureurs privés à la mesure de patient d’exception. Les demandes devraient toutes être acheminées à la RAMQ même pour les patients étant couverts par un assureur privé. La RAMQ analyserait la demande selon ses critères et, si elle est acceptée, l’assureur privé devrait obligatoirement couvrir le traitement.
Il va sans dire que des conditions doivent être associées au remboursement de tels médicaments qui coûtent souvent plusieurs centaines de milliers de dollars. En effet, une couverture automatique de tous ces médicaments mettrait en péril notre système d’assurance publique, l’un des plus généreux en Amérique du Nord. Notre devoir collectif est d’en assurer l’avenir, tout en garantissant un accès à l’ensemble des traitements dont les patients ont besoin. Nous, chez Vivre avec la fibrose kystique, désirons proposer des pistes de solution pour l’améliorer et faire en sorte que tous les Québécois puissent bénéficier des avancées de la recherche.
Certains critères de la mesure du patient d’exception doivent également être assouplis. Pour des raisons financières, peu de compagnies pharmaceutiques développent de nouveaux traitements pour notre communauté. Ainsi, peu de traitements révolutionnaires s’offrent à nous : le critère voulant qu’un traitement doive en être un de dernier recours ne devrait pas s’appliquer rigoureusement en fibrose kystique. Il ne reflète tout simplement pas les avancés scientifiques en ce domaine. Nous vivons actuellement cette problématique avec certains traitements qui ne peuvent être entamés par des personnes qui vivent avec la fibrose kystique avant que leur état de santé ne se dégrade au point de mettre leur vie en péril. L’État québécois pourrait assurer un meilleur avenir aux personnes vivant avec la fibrose kystique et d’autres maladies orphelines en créant un fonds spécial dédié au remboursement des médicaments novateurs.
La mesure du patient d’exception doit donc changer pour le mieux. La modification de la grille d’évaluation pour inscrire un médicament sur la liste n’est pas suffisante. Nous devons cesser de nous battre à coup de pétitions et de sorties médiatiques à chaque fois qu’un nouveau traitement couronne le travail des chercheurs. L’approche individualisée se buttera à plusieurs échecs et demande des ressources et des énergies continuelles que nous devrions mettre ailleurs.
La fécondation in-vitro
En 2015, une décision désastreuse du gouvernement nous a coupé le souffle. C’est sans aucune considération pour les citoyens québécois que le gouvernement actuel a mis fin à la gratuité de la fécondation in vitro, sous des prétextes d’abus de certains utilisateurs de cette technique. Alors que près du quart des femmes et presque la totalité des hommes vivant avec la fibrose kystique doivent recourir à cette méthode pour concevoir un enfant, notons que d’autres couples éprouvent des problèmes de fertilité, près de 15% au Québec.
Nous croyons important que notre système de santé rembourse l’accès à la fécondation in-vitro aux personnes ne pouvant concevoir un enfant pour des raisons de santé involontaires. Les coûts que doivent débourser les gens qui désirent y avoir recours avoisinent les 10 000$, sans aucune garantie de résultat. Cette facture salée est difficile à absorber met un frein certain au rêve de plusieurs Québécois de fonder une famille.
Nous avons donc la chance inouïe de bénéficier d’un système de protection de la santé important, d’être nés dans un pays qui met au cœur de ses priorités les aspects sociaux et la santé de sa population. Pourtant, cette chance ne doit pas nous empêcher de décrier certaines situations qui affectent les plus démunis dont la santé fait défaut. Nous croyons que notre approche est positive et que nos demandes permettront de consolider notre système de santé public. Les engagements qui touchent des sujets plus globaux, comme le temps d’attente à l’urgence, doivent être débattus. Il ne faudrait cependant pas oublier au passage de parler de ceux qui auront besoin toute leur vie de soins importants et qui, malgré tout, sont souvent sans voix.