Les poumons d’un enfant fibro-kystique présentent à la naissance une structure normale. Malheureusement, ceux-ci contracteront très tôt une infection chronique causée par l’apparition de microorganismes tels que Staphylococcus aureus, Haemophilus influenzae et plus tard, Pseudomonas aeruginosa. Cette infection provoquera alors une réaction inflamma toire et le système de défense de l’organisme tentera d’éliminer ces microorganismes. L’action des microorganismes ainsi que la réaction inflammatoire qu’elle provoque, contribuent tous deux à endommager les poumons du patient. Les antibiotiques et la physiothérapie constituent alors des traitements importants pour limiter les dommages causés aux poumons. L’objectif premier d’un médecin est donc de prescrire un traitement suffisamment puissant pour minimiser ces dommages, mais il doit aussi prendre en considération que ceux-ci prennent du temps, perturbent la vie quotidienne du patient et sont souvent coûteux.
Afin que le médecin puisse mettre au point un traitement adapté aux besoins du patient, il doit toutefois détenir l’information lui permettant d’évaluer le plus précisément possible l’état des poumons du patient. Les outils utilisés pour surveiller la fonction pulmonaire sont le plus souvent les tests de fonction pulmonaire. Par ailleurs, les cultures d’expectorations jouent aussi un rôle important dans l’identification des microorganismes présents dans les poumons. Enfin, pour examiner la structure des poumons, on utilise des techniques d’imagerie médicale. Dans cet article, nous nous pencherons d’abord sur ce qui caractérise différents types d’examens administrés aux patients atteints de fibrose kystique, puis nous évaluerons le rôle que peut jouer une technique d’imagerie médicale connue sous le nom de tomodensitométrie dans le traitement des poumons des patients fibro-kystiques.
Test de fonction pulmonaire
Au cours des cinq premières années de vie du patient il est très difficile de mesurer la fonction pulmonaire car les très jeunes enfants ne sont pas en mesure de collaborer au test de façon adéquate. Seuls quelques rares centres spécialisés sont en mesure de réaliser une telle évaluation. Chez les patients âgés de six ans ou plus, il est toutefois plus aisé d’effectuer des tests de fonction pulmonaire de routine. L’équipement utilisé pour ces tests permet de mesurer différents éléments, notamment le débit expiratoire maximal, le volume des poumons, le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et la résistance des voies respiratoires du patient. La technique utilisée pour le test de fonction pulmonaire est très simple : le patient doit inspirer jusqu’à pleine capacité de ses poumons et expirer ensuite avec force tout l’air contenu dans ses poumons.
Les tests de fonction pulmonaire permettent au médecin d’estimer s’il y a obstruction des voies respiratoires centrales en comparant les résultats du patient à ceux observés chez la population saine. Dans le cas de l’évaluation du VMS, si les résultats correspondent à des valeurs variant entre 85% et 115% de la valeur de référence établit à partir des résultats de la population ne présentant pas de dysfonction pulmonaire, les résultats seront considérés comme normaux.
Ce test de fonction pulmonaire occupe une place d’importance dans le traitement et le suivi de la fibrose kystique : il est rapide, relativement peu coûteux, bien standardisé et peut être répété autant de fois que nécessaire. En outre, il constitue un excellent outil à court terme pour surveiller l’état de fonctionnement des poumons : étant donné que les valeurs obtenues par le test de fonction pulmonaire se trouvent réduites lors d’une infection bactérienne ou virale, le test permet d’évaluer les effets qu’aura le traitement sur les poumons du patient. . De plus, les graphiques synthétisant les résultats obtenus aux tests de fonction pulmonaire sur une longue période de temps, permettent d’évaluer si la fonction pulmonaire du patient tend à s’améliorer ou à se dégrader. Toutefois ces tests ne fournissent qu’une part des informations nécessaires à l’évaluation de l’état des poumons. Notamment, les tests de fonction pulmonaire ne sont pas suffisamment sensibles pour détecter des modifications structurelles affectant des parties localisées des poumons.
Radiographie pulmonaire
Afin d’évaluer la structure des poumons, une radiographie pulmonaire peut être effectuée à intervalles réguliers à titre d’examen de routine. Dans de nombreux centres médicaux, on procède à cette radiographie lors du bilan de santé annuel. La radiographie se fait à l’aide de rayons X qui sont dirigés vers le patient et qui, après avoir traversé celui-ci, noircissent le film se trouvant derrière lui. Aux endroits où les rayons X sont absorbés par les structures internes du patient, le film reste blanc. Tout comme les tests de fonction pulmonaire, les radiographies sont rapides, relativement peu coûteuses, et peuvent être répétées aussi souvent que nécessaire. En outre, elles peuvent être effectuées sur de jeunes enfants. Cette technique présente toutefois des désavantages majeurs. D’une part, la radiographie pulmonaire représente une image bidimensionnelle de la structure tridimensionnelle et complexe des poumons. L’interprétation adéquate de ces images est donc difficile et est susceptible de varier d’un observateur à l’autre. D’autre part, on a démontré au début des années 90 que les radiographies pulmonaires n’étaient pas suffisamment sensibles pour détecter les dommages précoces de la structure des poumons chez les patients atteints de fibrose kystique.
Tomodensitométrie
Lors de cet examen, le patient doit s’étendre sur une sur une surface plane, disposée au centre de l’ouverture circulaire du tomodensitomètre. Le patient doit alors inspirer profondément et rester immobile. Ensuite, le tube à rayons X situé à l’intérieur du tomodensitomètre se déplace autour du patient et enregistre plusieurs images. Celles-ci sont alors transmises et traitées par un ordinateur de manière à former une image extrêmement précise, composée de coupes axiales d’un millimètre d’épaisseur des poumons. Ce test peut être effectué avec des patients âgés de quatre ans ou plus.
À partir de l’ensemble des images enregistrées par le tomodensitomètre, on obtient donc une image tridimensionnelle des poumons. La structure anatomique des poumons et, ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, leurs anomalies, peuvent alors être facilement identifiés sur l’image obtenue.
Depuis le début des années 90, la tomodensitométrie est reconnue pour être un moyen beaucoup plus sensible que la radiographie pulmonaire pour détecter les modifications dans la structure des poumons. Cependant, son usage à titre d’examen de routine n’a pas été adopté à grande échelle et ce, pour de nombreuses raisons. Premièrement, si on la compare aux radiographies pulmonaires, la tomodensitométrie expose le patient à une dose supérieure de radiation. Deuxièmement, l’utilisation du tomodensitomètre est beaucoup plus coûteuse que les radiographies pulmonaires traditionnelles. Troisièmement, dans la plupart des hôpitaux, les tomodensitomètres sont presque continuellement en utilisation et il est donc difficile de trouver un moment pour faire passer cet examen à tous les patients fibro-kystiques.
Tomodensitométrie / radiographie pulmonaire
Insatisfaits des limites de l’information obtenue par le biais des radiographies pulmonaires et bien au fait de la littérature scientifique, l’équipe de fibrose kystique et les radiologistes du Centre médical Erasmus/Sophia de Rotterdam ont pensé que la tomodensitométrie serait plus efficace que les radiographies pulmonaires pour surveiller l’évolution de la structure des poumons de leurs patients. Ils ont donc décidé de pratiquer une fois tous les deux ans un examen à l’aide du tomodensitomètre sur tous les patients âgés de quatre ans et plus. Cette fréquence permettait une exposition aux radiations jugée acceptable. Dès le départ, notre équipe a senti que la tomodensitométrie faciliterait la mise au point d’une stratégie de traitement adaptée à chacun des patients.
Dernièrement, nous avons évalué les images des poumons de 48 patients ayant subi deux examens par tomodensitométrie et nous les avons mis en rapport avec les résultats obtenus aux tests de fonction pulmonaire. Cette évaluation nous a permis de faire trois observations importantes. Premièrement, les changements dans la structure des poumons observés grâce au tomodensitomètre ne pouvaient être prédits par les tests de fonction pulmonaire. Par conséquent, la fonction pulmonaire n’est pas un indicateur des changements structuraux. Deuxièmement, on pouvait observer chez de jeunes enfants des dommages importants aux poumons et ce, même lorsqu’ils ne présentaient pas d’anomalie au niveau de la fonction pulmonaire. Troisièmement, nous avons constaté que la présence d’une bronchectasie (dilatation irréversible des bronches) pouvait être facilement diagnostiquée à l’aide du tomodensitomètre. Ce triple constat nous a encouragé à prendre les moyens pour évaluer et traiter plus rapidement les patients. Mentionnons également que les résultats de nos patients au test de fonction pulmonaire n’ont pas changé depuis deux ans, ce qui laisse croire que nous arrivons mieux à contrôler les dommages sur ce plan.
Toutefois, si les résultats au test de fonction pulmonaire se sont stabilisés, la tomodensitométrie indique chez de nombreux patients une progression des dommages structurels aux poumons. Ces résultats révèlent par ailleurs que les traitements actuels sont plus efficaces qu’auparavant, mais qu’il reste encore beaucoup à faire.
Risques et avantages de la tomodensitométrie
Comme nous l’avons mentionnée précédemment, la quantité de radiation à laquelle un patient est exposé au cours d’une tomodensitométrie est plutôt élevée : elle est en fait de quatre à douze fois supérieure à celle émise lors d’une radiographie pulmonaire. Lorsqu’une personne est exposée au cours de sa vie à une quantité élevée de radiation, les risques qu’elle développe un cancer augmentent légèrement. Pour cette raison, il est important que soit bien justifiée toute dose de radiation administrée à un patient. La fibrose kystique, nous le savons, est une maladie pulmonaire chronique sérieuse et mortelle, qui nécessite un traitement puissant et long, comprenant souvent des médicaments coûteux et potentiellement toxiques. Comme nous l’avons vu précédemment, les tests de fonction pulmonaire utilisés seuls ne fournissent pas suffisamment d’informations sur la sévérité de l’atteinte aux poumons, puisqu’ils ne sont pas suffisamment sensibles pour détecter les dommages au début de la maladie. Or, lorsque le déclin de la fonction pulmonaire est entamé, des dommages importants sont déjà présents. On sait aussi que les radiographies pulmonaires ne peuvent détecter des dommages précoces à la structure des poumons et que leur interprétation est difficile. Son utilisation se limite donc à quelques rares indications.
Actuellement, la dose de radiation émise lors d’un examen des poumons effectué à l’aide du tomodensitomètre correspond à la quantité de radiation à laquelle le patient est exposé pendant une année complète dans une région où les radiations sont peu élevées. Il y a eu à cet égard une amélioration considérable : au centre médical où notre équipe effectue ses recherches, la dose de radiation utilisée lors de l’examen à l’aide du tomodensitomètre est dix fois moindre qu’il y a dix ans. Ce n’est toutefois pas toutes les cliniques offrant des traitements pour la fibrose kystique qui ont accès à des appareils issus des technologies de pointe. Grâce aux progrès techniques, il est probable que la dose de radiation émise pourra être réduite davantage dans un avenir rapproché. Par ailleurs, les appareils d’imagerie par résonance magnétique (IRM) devraient éventuellement devenir suffisamment sensibles pour pouvoir remplacer la tomodensitométrie et éliminer ainsi complètement les préoccupations liées aux effets de la radiation. Actuellement, de concert avec d’autres groupes de recherche un peu partout dans le monde, nous consacrons beaucoup de nos énergies à optimiser les techniques d’imagerie médicale et d’analyse de l’image.
Une étude multicentrique, à la fois très complexe et coûteuse, serait nécessaire afin d’obtenir la preuve scientifique que les avantages de la tomodensitométrie l’emportent sur ses risques. Mais d’ici à ce qu’une telle étude soit terminée, les progrès technologiques auront probablement remédié à la majorité des risques liés la tomodensitométrie.
Résumé
La tomodensitométrie constitue un outil puissant pour le traitement et le suivi à long terme de l’atteinte pulmonaire chez les patients fibro- kystiques. Elle nous aide à mettre au point un traitement adapté au patient, qui nous permet d’éviter d’administrer un traitement trop puissant à des patients ayant une atteinte pulmonaire légère ou un traitement insuffisant à des patients ayant une atteinte sévère. Il reste toutefois à déterminer si le risque que peut entraîner l’émission d’une quantité importante de radiation puisse être justifié par la gravité de l’atteinte pulmonaire dans le cas de la fibrose kystique. En attendant que puisse être menée une étude permettant de répondre à cette question, la poursuite des efforts visant à réduire la quantité de radiation et à optimiser les techniques d’imagerie médicale est essentielle.
Par Harm Tiddens Pédiatre pneumologue
Département de pneumologie et d’allergologie Hôpital pour enfants de Sophia – Eramus
Rotterdam Pays-Bas