Le parcours d’un combattant
Au début de l’année 2011, ma santé était de moins en moins stable. L’état de mes poumons se dégradait, ce qui me demandait énormément d’énergie. Je perdais du poids et les infections étaient plus fréquentes que jamais. En avril, lors d’une hospitalisation, mon médecin m’annonça que j’allais désormais devoir utiliser de l’oxygène et subir une gastrostomie.
Le temps passa mais, malgré tous les traitements, mon état ne s’améliora pas du tout. C’est à ce moment que, sur la recommandation de mon médecin, j’entrepris les démarches pour obtenir une greffe bipulmonaire.
C’est à la fin de cet été-là là que je passai les fameux tests pré-greffe. La réponse tardait à venir : j’espérais tellement que la réponse soit positive, car la plus grande raison d’accepter cette chance d’une deuxième et nouvelle vie était ma fille, que je désirais plus que tout voir grandir et s’épanouir. Après quelques semaines d’attente, c’est à mon plus grand bonheur que je fus accepté.
Pendant ce temps, mon état continuait à se dégrader. Mes poumons fonctionnaient à moins de 30 % de leur capacité, ce qui m’obligeait à subir un nouveau traitement. Toutes les nuits, jusqu’à ma greffe, j’allais devoir me brancher à un appareil BiPAP pour mieux respirer.
L’année 2012 passa avec beaucoup trop d’interminables hospitalisations. Les infections étaient persistantes et presque incontrôlables. Je ne compte plus les fois où, dans des états très critiques, ma conjointe a dû faire preuve de calme et de sang-froid pour me garder conscient, en attendant les ambulanciers. Merci, mon Dieu, cela arrivait surtout la nuit : ma fille n’a donc pas trop souffert de me voir ainsi.
En octobre, le médecin m’annonça que je devais être transféré rapidement à l’Hôtel-Dieu de Montréal, où je recevrais des soins plus adéquats, puisque les médecins ont une meilleure expertise pour traiter la fibrose kystique. Ma conjointe et moi avons passé par toute la gamme des émotions et étions déchirés, car notre fille ne pouvait venir avec nous. C’est avec le cœur lourd que nous préparions alors notre départ. Du jour au lendemain, nous devions tout abandonner : notre fille allait rester avec la famille au Lac-Saint-Jean et ma conjointe dut quitter son travail pour m’accompagner à Montréal. Heureusement, à l’Hôtel-Dieu, nous avons rencontré une équipe et des médecins extraordinaires ! Nous avons tissé des liens forts et incroyables non seulement avec eux, mais également avec les autres patients fibro-kystiques. Aujourd’hui, ma conjointe et moi considérons toutes ces personnes comme notre deuxième famille.
L’attente de ma greffe devint plus difficile, car la capacité de mes poumons descendit rapidement sous la barre des 20 %. Je ne sortais presque jamais de l’hôpital, mon état ne le permettant plus. L’année 2013 ne fut guère mieux : avec moins de 20 %, on ne fait plus beaucoup d’activité physique. M’habiller, me brosser les dents et manger étaient devenus un véritable combat. Et ce qui est le plus vital, respirer, devenait une bataille de tous les instants. Tout ce temps, ma conjointe est demeurée à mes côtés, 24 heures sur 24, pour me soutenir physiquement, mais surtout psychologiquement.
Malheureusement, le plus difficile était à venir. De nouveaux problèmes firent surface. Une résistance aux antibiotiques entraîna l’essai de nouveaux traitements qui me causaient des réactions allergiques et des problèmes hépatiques : je faillis en mourir.
On parlait même de me faire une double greffe : les poumons et le foie. L’équipe médicale prit alors la décision de me mettre rapidement sur la liste d’urgence pour la greffe pulmonaire, espérant ainsi pouvoir m’épargner celle d’un nouveau foie. Deux semaines plus tard, le 10 octobre 2013, je recevais l’appel tant espéré : on m’avait enfin trouvé un donneur !
« Du jour au lendemain, nous devions tout abandonner : notre fille allait rester avec la famille au Lac-Saint-Jean et ma conjointe dut quitter son travail pour m’accompagner à Montréal. »
L’opération a été un succès. Encore à ce jour, je n’ai eu aucun problème avec mes nouveaux poumons.
À peine deux semaines après ma greffe, je m’emmêlai les pieds dans mon dernier drain thoracique, ce qui me fit tomber et je me retrouvais alors avec une fracture à la hanche. Je dus faire remplacer ma tête fémorale.
Je partis ensuite vers la Maison des greffés Lina-Cyr pour mon rétablissement, jusqu’à ce que je me retrouve à l’urgence à cause d’atroces douleurs abdominales.
J’y demeurai quelques semaines, car on croyait que c’était une réaction de mon foie, qui ne pouvait être opéré, sans quoi la survie de mes poumons nouvellement greffés aurait été compromise. Après de multiples examens, les médecins réalisèrent que la vésicule biliaire était la source de ces douleurs. Il fallait me la retirer. L’opération ne fut pas sans problème, puisque j’ai eu une hémorragie durant celle-ci. On dut m’opérer une deuxième fois en moins de 24 heures.
À l’arrivée de 2014, j’ai eu droit à une petite pause et j’ai pu profiter un peu de la nouvelle vie qui se dressait devant moi, jusqu’à ce que mes reins en décident autrement. Des chapelets de pierres s’y étaient formés, et on m’opéra à deux reprises pour les retirer. Les mauvaises nouvelles se poursuivirent. En mai, une bactérie se logea dans mon foie et je subis un choc après qu’elle ait infecté mon sang. Je devais encore être hospitalisé plusieurs semaines. On retira le tiers de mon foie. L’opération s’étant bien déroulée, on me permit alors de retourner chez moi, au Lac-Saint-Jean. Je retrouvais alors ma fille, qui me manquait tant. Moins de 24 heures après
mon retour, on me transféra d’urgence à Montréal, en avion : j’avais un abcès au foie.
Pour traiter les nombreuses infections reliées à la fibrose kystique, j’ai reçu énormément d’antibiotiques pendant des années, ce qui n’est pas sans conséquence. Mes reins en ont beaucoup souffert. Je souffrais alors d’insuffisance rénale. Alité durant une bonne période et avec tous les chocs subis par mon corps, ma condition physique s’est détériorée et j’ai dû entreprendre une réadaptation physique intensive pour pouvoir retrouver ma mobilité.
Malgré tout ce qui m’est arrivé, je pense qu’il est important de voir le côté positif de l’histoire. Je ne suis pas seul dans toutes ces épreuves. Je partage ma vie avec une femme merveilleuse depuis plus de 11 ans. Comme moi, elle n’a jamais baissé les bras, présente à tous mes moments difficiles. Elle m’a toujours encouragé à me battre plus fort chaque jour. Elle n’a jamais fui la réalité, contre vents et marées, contre cette terrible maladie qu’est la fibrose kystique avec son lot d’imprévus.
Au lieu de nous éloigner, la maladie a fait de nous un couple plus fort que jamais. Avec un amour inconditionnel de sa part, je n’ai pas lâché. Je peux dire que j’ai réalisé mon rêve, et c’est ensemble, avec ma fille, que je le vis.
Le 20 septembre 2014, nous avons uni nos destinées, sous les yeux de nos parents, de nos amis et même de quelques médias. Cette journée mémorable, qui se déroula à la Maison des greffés, fut remplie d’émotions et d’amour, en compagnie des gens que nous aimons.
Peu importe le combat que vous menez, ne baissez jamais les bras et gardez la tête haute. En chacun de nous, il y a un guerrier ou une guerrière qui n’attend que d’être réveillé pour se battre à nos côtés !
Alain Larouche
Alma (Québec)
Canada