Vieillir avec la fibrose kystique amène son lot de difficultés et de défis. Notre corps vieillit plus vite et nous expose à davantage de maladies et incidents de toutes sortes.
Je suis né au Saguenay, huitième d’une famille de 10 enfants. Lorsque j’étais petit, on m’a dit que je souffrais de bronchite asthmatique. À trois mois, j’ai fait ma première pneumonie. Enfant, j’étais rachitique et je faisais souvent des crises d’asthme. Comme je n’avais aucun médicament, ma solution était d’aller me coucher et le lendemain j’allais mieux.
À l’adolescence, les choses se sont améliorées. J’ai grandi et pris du poids ; tout allait mieux pour moi. Toutefois, j’avais beaucoup d’allergies : animaux, poussière et mauvaises herbes. J’ai fait un baccalauréat en administration spécialisé en marketing. J’ai alors commencé une carrière dans les centres commerciaux pour une filiale de la Caisse de dépôt (Ivanhoé Cambridge). J’étais domicilié à Québec et j’y suis resté pendant 32 ans.
À 30 ans, je me suis marié avec une femme extraordinaire, France. Celle-ci ne se doutait pas que mon état de santé serait fragile et compliqué, mais elle m’a accompagné fidèlement à chaque nouveau problème et j’ai toujours pu compter sur son soutien. Quand est venu le temps d’avoir des enfants, cela n’a pas fonctionné. On m’a opéré pour voir ce qui n’allait pas et on m’a dit que mes canaux déférents étaient bouchés. Le médecin m’a rencontré pour me dire que ça arrivait dans des familles où il y avait de la fibrose kystique. France et moi avons donc décidé d’aller en insémination artificielle pour avoir nos enfants. Ça a marché, nous avons eu deux beaux garçons qui ont maintenant 27 et 29 ans, Benjamin et Jérémie. Ce sont deux magnifiques humains dont nous sommes très fiers.
Après l’arrivée des enfants, ma santé s’est détériorée avec la fatigue et le manque de sommeil. De plus, mon travail m’amenait à voyager partout au Québec. J’ai commencé à faire des pneumonies à répétition, deux ou trois par année, mais avec le temps ce fut entre cinq et huit par année. Les médecins ont donc décidé d’investiguer et j’ai été hospitalisé pour un bilan complet. Le diagnostic émis : fibrose kystique.
J’apprends donc, à 38 ans, que je suis atteint de cette maladie. Dès ce moment, les choses n’ont cessé de se détériorer. Les dernières années avant la greffe, je faisais une pneumonie par mois avec une succession de séjours à l’hôpital et avec des antibiotiques intraveineux toutes les deux semaines. C’était très difficile avec mon travail. Je n’avais plus d’énergie. Chaque fois, le médecin me retournait au travail.
À l’âge de 46 ans, j’ai attrapé une bactérie qu’ils ont eu de la difficulté à diagnostiquer, le stenotrophomonas maltophilia. Cette bactérie entraîne des infections complexes à traiter, car elle est multirésistante aux antibiotiques. J’étais hospitalisé, sous oxygène. Je suis retourné chez moi avec de l’oxygène à la maison. J’ai été mis en congé de maladie à long terme et puisque mon revenu avait baissé, nous avons dû nous résigner à vendre notre maison et en acheter une plus petite.
Lors d’une rencontre médicale, la docteure Josée Villeneuve m’a proposé une greffe de poumons, car ma capacité pulmonaire était rendue à 30 %. J’ai accepté tout de suite. Mes enfants avaient 11 et 13 ans et je voulais les voir grandir. J’ai été presque deux ans à la maison en attente avec de l’oxygénothérapie 24 heures sur 24.
Le 28 mai 2008, j’ai reçu l’appel tant attendu du chirurgien, le docteur Pasquale Ferraro, qui m’annonçait avoir des poumons parfaits pour moi. Une demi-heure plus tard, ma conjointe et moi étions dans l’ambulance en direction de l’Hôpital Notre-Dame. En arrivant, le docteur Ferraro était à la porte avec ma sœur Pauline, de Longueuil, qui est infirmière retraitée. L’opération s’est bien déroulée et malgré quelques complications, j’ai pu sortir de l’hôpital après cinq semaines.
Quel beau cadeau j’ai reçu ! Le cadeau d’une deuxième vie où j’ai pu voir mes enfants grandir, finir leurs études et connaître leurs conjoints. Ce véritable miracle a été possible grâce à un donneur qui a sauvé plusieurs vies et je l’en remercie chaque jour. Je remercie aussi sa famille d’avoir accepté ce don.
Cela fera bientôt 15 ans que je suis greffé. On m’avait dit que je changerais un mal pour un autre et ils avaient bien raison. Au fil des années, j’ai eu différentes complications comme des infections pulmonaires, un affaissement du poumon gauche (atélectasie), des pancréatites, des problèmes vasculaires aux jambes qui m’ont obligé à subir des pontages et même l’amputation de la jambe droite, des opérations aux yeux, et de l’insuffisance rénale qui m’a amené, il y a un an et demi, à devoir recevoir des traitements de dialyse trois fois par semaine à l’hôpital. Je vis maintenant séparé de mon épouse, au Saguenay, près de ma famille. Ma femme n’était plus capable de m’accompagner dans ma maladie, trop de stress et d’angoisse pour elle. Nous sommes toutefois en bons termes et nous nous voyons le plus souvent possible avec les garçons.
La vie a été bonne pour moi malgré tout et je ne regrette rien. Je souhaite qu’elle dure encore assez longtemps pour voir mes petits-enfants qui se profilent à l’horizon.
Merci !
Texte rédigé par Carol Côté — Octobre 2022