Effets du tabagisme sur la survie des personnes greffés
Le tabagisme contribue à diverses maladies, y compris les maladies buccales, respiratoires et cardiovasculaires, les infections, les cancers, les maladies auto immunes et le rejet des greffes. Il a un impact à la fois sur l’immunité adaptative (réponse immunitaire plus spécifiquement dirigée contre le pathogène et dotée d’une mémoire1) et l’immunité innée. D’autre part, le tabagisme est un facteur de risque bien connu associé à la morbidité et à la mortalité suite à la transplantation d’organes. De nombreuses analyses épidémiologiques et rétrospectives ont montré que le tabagisme augmente les risques de complications liées à la transplantation, de rejet et de décès chez les patients transplantés. Bien que les effets néfastes du tabagisme sur les résultats de la transplantation d’organes soient bien documentés, les mécanismes moléculaires et cellulaires responsables du rejet des greffons associés au tabagisme ne sont pas bien compris. En particulier, peu d’études ont tenté de comprendre comment le tabagisme a un impact direct sur la tolérance à la transplantation, même si de nombreuses études ont démontré que le tabagisme a largement affecté les réponses immunitaires ainsi que les résultats
de la transplantation. Dans la présente étude, nous résumons les effets du tabagisme sur les principales cellules immunitaires qui influent sur la survie ou la tolérance à la transplantation et nous tentons d’expliquer les mécanismes moléculaires qui sont probablement responsables du rejet associé au tabagisme.
Les effets
Des études de plus en plus nombreuses ont démontré que le tabagisme entrave la survie à long terme des personnes greffées en provoquant diverses complications après la transplantation. Pungpapong et coll. ont signalé que les patients ayant des antécédents de tabagisme présentaient des risques plus élevés de complications vasculaires et artérielles que les non fumeurs après une transplantation hépatique, tandis que les patients qui avaient cessé de fumer deux ans avant la transplantation présentaient une incidence plus faible de complications vasculaires. D’autres études ont révélé que le tabagisme était associé à une incidence accrue de complications biliaires et à des taux plus élevés de carcinomes hépatocellulaires. De même, le tabagisme des donneurs et des receveurs a eu des répercussions négatives sur les résultats de la transplantation pulmonaire. Le tabagisme chez les donneurs a eu une influence directe sur les événements postopératoires précoces plutôt que sur les résultats tardifs. Des études sur les anciens et actuels fumeurs ayant subi une transplantation pulmonaire ont démontré que les fumeurs présentaient une incidence plus élevée de diminution de la fonction pulmonaire ou de maladie rénale chronique, complication courante de la transplantation pulmonaire, que les non-fumeurs. De plus, le tabagisme avant la transplantation chez les donneurs ou les receveurs a considérablement réduit le taux de survie des receveurs.
Le tabagisme après une transplantation rénale a été associé à une insuffisance rénale, à un épaississement de fibres vasculaires et à une incidence plus élevée de diabète. Des effets indésirables du tabagisme sur la transplantation cardiaque ont également été signalés. Nägele et coll. ont constaté que les fumeurs ayant subi une transplantation cardiaque avaient un plus faible taux de survie à long terme et une incidence plus élevée de maladies vasculaires à la transplantation que les non-fumeurs. Le tabagisme après la transplantation a non seulement entraîné un pronostic moins bon et une période de rétablissement plus longue, mais aussi une augmentation significative de la mortalité globale des patients.
Bien que de nombreuses études épidémiologiques aient confirmé que le tabagisme est un facteur de risque important pour la transplantation d’organes, il n’y avait pas de preuve que le tabagisme peut directement causer l’échec de la greffe d’une manière cause effet. Récemment, des études ont fourni la première preuve que la fumée secondaire diminue directement la survie à long terme des personnes greffées. Ainsi, nous avons démontré que l’exposition à la fumée augmentait le risque de rejet en réprimant l’activité des enzymes oxydoréductases.
Impacts du tabagisme sur certaines cellules immunitaires
Il est bien connu que le risque de rejet peut être contrôlé par immunosuppression globale ou par immunomodulation ciblée. L’activation équilibrée des cellules dendritiques conventionnelles et d’autres types de cellules est vitale pour la régulation appropriée de l’immunité, qui aura un impact sur la réussite ou non de la transplantation. Puisque le tabagisme a un impact à la fois sur l’immunité innée et l’immunité adaptative, il est probable qu’il agit également sur le rejet des greffes par le système immunitaire.
Les cellules dendritiques
Il a été rapporté que le tabagisme interfère avec la fonction de base des cellules dendritiques (cellules du système immunitaire). Des études antérieures sur l’inflammation des voies respiratoires ont démontré que le tabagisme augmente le nombre de cellules dendritiques, favorise le trafic et la fonction des cellules dendritiques et, par conséquent, provoque une inflammation allergique des voies respiratoires.
Les lymphocytes T
Les lymphocytes T, qui jouent un rôle dans la réponse immunitaire secondaire, peuvent déclencher rapidement des réponses allo-immunes. Le rejet aigu d’une greffe de foie chez les patients a été associé à la prolifération des lymphocytes T et, par conséquent, ont été considérées comme un obstacle majeur à la survie à long terme. Comme de plus en plus de preuves ont montré que le tabagisme actif ou passif augmente significativement le nombre de ce type de cellules, nous croyons qu’il accélère le rejet ou, à tout le moins, interfère avec la tolérance à la transplantation.
Effets des composants chimiques de la fumée de cigarette sur l’immunité ou la tolérance immunitaire
La fumée de cigarette contient de grandes quantités de composants toxiques, dont le monoxyde de carbone, la nicotine, les oxydes d’azote et le cadmium. Ces toxines nocives modifient l’homéostasie immunitaire dans les muqueuses buccales ou aériennes et les organes solides, ce qui entraîne une inflammation régionale et des réponses immunitaires anormales aux antigènes exogènes. Toutefois, de nouvelles données indiquent que le monoxyde de carbone et la nicotine, deux des principaux composants de la fumée de cigarette, sont étonnamment immunosuppresseurs.
Le monoxyde de carbone
Le monoxyde de carbone est produit lorsque l’hème est catalysé par l’enzyme hème oxygénase-1 (HO-1) dans les cellules immunitaires et il a été démontré dans des études animales qu’il exerce des effets immunosuppresseurs et anti apoptotiques (l’apoptose est le processus par lequel des cellules déclenchent leur autodestruction). Le monoxyde de carbone supprime également les réponses allo-immunes.
Cependant, il n’est pas clair pourquoi le tabagisme qui produit du monoxyde de carbone n’a pas permis de prolonger la survie des greffons. Au lieu de cela, il est bien connu que le tabagisme favorise généralement le rejet des greffes et même empêche la réussite à long terme de la greffe. Peut-être que le tabagisme lui-même ne fournit pas aux fumeurs transplantés une quantité significative de monoxyde de carbone suffisante. Il est également possible que le tabagisme génère un mélange de matières dangereuses qui coopèrent pour entraver la survie à long terme des greffons. En d’autres termes, les effets bénéfiques du monoxyde de carbone sur la survie des greffons peuvent être entravés par d’autres substances nocives contenues dans la fumée de cigarette. Par conséquent, la façon dont le monoxyde de carbone généré par le tabagisme exerce ses effets chez les fumeurs n’est pas claire et mérite d’autres études.
La nicotine
De la même façon, l’aspect possiblement immunosuppressif de la nicotine, un autre composant majeur de la fumée de cigarette, a été signalée dans plusieurs études animales in vitro et in vivo. Des études utilisant des modèles de transplantation pulmonaire ont également révélé que, dans le cas des traitements à la nicotine, cette dernière diminue possiblement le risque de rejet aigu. Cependant, Nordman et al. ont constaté que la nicotine augmentait le nombre de lymphocytes T, ce qui pourrait affecter la survie des greffés. Par conséquent, on ne sait toujours pas comment la nicotine modifie le rejet immunitaire, bien qu’il ait été démontré qu’elle est surtout immunosuppressive. D’autres études sont nécessaires pour déterminer si et comment la nicotine a un impact sur la transplantation.
Remarques et conclusion
Le tabagisme joue un double rôle dans la réponse immunitaire en raison de la diversité moléculaire et fonctionnelle des composants de la fumée de cigarette, y compris l’azote, les dérivés réactifs de l’oxygène, le monoxyde de carbone et la nicotine. Cependant, de nombreuses études expérimentales et cliniques ont montré que le tabagisme exerce un effet délétère plutôt que bénéfique sur la survie des greffes, même si le tabagisme régule à la baisse les réponses immunitaires dans certaines circonstances. Par conséquent, nous sommes d’avis que le tabagisme entrave la survie à long terme du greffon en s’attaquant à certaines cellules. Bien que la combustion de la cigarette produise du monoxyde de carbone et de la nicotine qui sont immunosuppresseurs, nous pensons que la quantité de monoxyde et de nicotine inhalée par le biais de la fumée de cigarette n’est pas suffisante pour protéger du rejet. Bien que des études antérieures aient révélé certains mécanismes moléculaires par lesquels la fumée de cigarette altère la réponse immunitaire et intervient dans l’immunopathologie, les mécanismes moléculaires exacts qui sous-tendent le rejet des greffes associées au tabagisme demeurent largement inconnus. D’autres études sont nécessaires pour comprendre pourquoi le tabagisme accélère le rejet des greffes même si les composants de la fumée de cigarette contiennent des substances immunosuppressives. Il est possible que l’inflammation et le stress oxydatif induits par d’autres composantes du tabagisme puissent largement l’emporter sur toute action immunosuppressive potentielle du monoxyde et de la nicotine.
Golay D. Nie École de médecine de l’Université du Texas Galveston, États-Unis d’Amérique
Feifei Qiu Département de l’immunologie de l’Académie des sciences médicales chinoises Guangdong, Chine
Ping Fan Département de Néphrologie de l’Hôpital de Médecine Chinoise de Shaanxi Xi’an, Chine
Édité par Antoine Toubert Université Diderot Paris, France
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www.ncbi.nlm.nih.gov/ pmc/articles/PMC5300974/pdf/fimmu-08-00127.pdf
Références bibliographiques 1. www.assistancescolaire.com/eleve/TS/svt/reviser-le-cours/l-immunite-adaptative-prolongement-de-l-immunite-innee-t_svt_13Nike