Le désencombrement des voies respiratoires
Travail d’intégration présenté à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal en vue de l’obtention du grade de maîtrise et sciences de la santé – Physiothérapie
Depuis plusieurs années, de nouvelles modalités de désencombrement des sécrétions ont vu le jour dans le but de faciliter le quotidien des individus souffrant de fibrose kystique (FK). Ces nouvelles modalités incluent plusieurs appareils qui sont faciles et rapides d’utilisation en plus de permettre l’autonomie de l’utilisateur. Parmi les principes à la base de ces appareils, on retrouve la pression expiratoire positive (PEP), la pression expiratoire positive oscillante (PEPO) ainsi que la vibration thoracique à haute fréquence (VTHF).
Pression expiratoire positive
La PEP est une thérapie utilisée par les individus atteints de FK pour dégager les sécrétions des voies respiratoires. Comme la majorité des appareils à PEP sont faciles d’utilisation, ils peuvent être utilisés à partir de l’âge de trois ou quatre ans 1, 2. Normalement, cette modalité ne requiert pas la présence d’une tierce personne, mais les enfants en bas âge nécessitent souvent une supervision. La PEP fait appel à un dispositif portatif relativement peu coûteux. En effet, un appareil à PEP coûte en moyenne 25 $ à 60 $ 3, 4. Plusieurs modèles sont disponibles, par exemple : le PEP mask, le PariPEP®, le TheraPEP® et le Threshold PEP®. Tous ces modèles reposent sur le même principe de base, mais chacun possède des composantes et des caractéristiques d’utilisation qui leur sont propres. Parmi ces appareils, on distingue, de façon générale, deux catégories : les appareils à basse pression et les appareils à haute pression.
La PEP à basse pression peut être effectuée durant les phases aiguës de la maladie 5. Toutefois, puisque la PEP crée une résistance à l’expiration, son utilisation n’est pas recommandée chez les sujets ayant une dyspnée sévère 6 et est contre-indiquée en présence d’un pneumothorax non drainé 7. Comme la thérapie par PEP à haute pression crée une plus grande résistance à l’expiration, elle pourrait être difficile à effectuer ou mal tolérée dans les phases aigües de la maladie 8. De plus, la PEP à haute pression est contre-indiquée dans le cas de troubles cardiaques, d’hémoptysies, d’asthme, de pneumothorax ou suite à une chirurgie pulmonaire 7.
L’expiration à travers l’appareil à PEP crée une résistance à l’expiration qui engendre une pression positive dans les voies respiratoires. Ceci permet d’augmenter la pression intrapulmonaire et d’éviter la compression dynamique des voies aériennes 3, 13. La PEP réduit donc l’hyperinflation et améliore le débit aérien en fin d’expiration 3. De plus, l’augmentation de la pression intrapulmonaire permet à l’air de s’infiltrer entre la paroi des voies respiratoires et le mucus afin de faciliter le déplacement et l’élimination de ce dernier.
Pression expiratoire positive oscillante
La PEPO est une des thérapies qui permet le désencombrement des voies respiratoires dans les cas d’atteinte du système pulmonaire. Tout comme les appareils à PEP, les appareils à PEPO sont faciles d’utilisation et peuvent être utilisés par les individus âgés de plus de trois ans 9. Normalement, cette modalité est effectuée de façon autonome, mais les jeunes enfants nécessitent souvent un encadrement. De plus, les dispositifs à PEPO sont portatifs et peu coûteux avec des prix variant entre 35 $ et 100 $. Plusieurs modèles d’appareils sont disponibles. On retrouve, entre autres, le Flutter®, l’Acapella®, le Cornet® ainsi que le Quake®. Bien que tous ces dispositifs utilisent le principe de PEPO, chacun possède des particularités qui lui sont propres. La PEPO peut être mal tolérée dans les phases aiguës de la maladie 10. De plus, si le patient ne maîtrise pas bien la technique, il peut ressentir des étourdissements causés par l’hyperventilation 11. Comme les appareils à PEPO augmentent la pression intrapulmonaire, ils peuvent contribuer au développement ou à l’aggravation d’un pneumothorax 12. C’est pourquoi cette modalité est contre-indiquée chez les patients en présence de ce dernier, mais aussi chez les patients avec de l’hémoptysie ou une insuffisance cardiaque droite 13, 14.
Le Flutter®, l’appareil à PEPO le plus connu, est un appareil portatif en forme de pipe composé d’un embout buccal et d’un couvercle perforé. À l’intérieur du dispositif, on retrouve une bille d’acier inoxydable qui repose dans un réceptacle conique de plastique 15. Les vibrations sont induites par la bille qui, à cause de l’air expiré et de la force de gravité, oscille verticalement 13. Lorsque la bille descend, elle se dépose dans le cône et bloque le passage de l’air et lorsqu’elle monte, elle crée une ouverture qui laisse passer l’air. Ces oscillations de la bille provoquent des fluctuations de la résistance au débit expiratoire, ce qui induit la PEP et la vibration des voies respiratoires. Pour optimiser cette dernière, l’inclinaison du dispositif doit être ajustée afin d’obtenir une fréquence similaire à la fréquence de résonance des poumons. Toutefois, comme le mécanisme du Flutter® dépend de la gravité, l’appareil ne peut être que très légèrement incliné. En inclinant légèrement l’appareil vers le bas, on obtient une plus petite fréquence d’oscillation ou une plus grande fréquence s’il est incliné vers le haut.
Le dispositif Acapella® est un appareil portatif qui utilise un aimant et un clapet à contrepoids pour produire la PEPO. Lorsque le patient expire à travers le dispositif, c’est le clapet qui induit la PEPO en bloquant le passage de l’air de façon intermittente 16. À l’extrémité de l’appareil, un bouton permet d’ajuster la distance entre l’aimant et le clapet afin de régler la fréquence, l’amplitude et la pression 16. À l’inverse du Flutter®, le mécanisme de l’Acapella® n’est pas influencé par la gravité. Il peut donc être utilisé dans plusieurs positions 17, 18.
Le Cornet® est un appareil composé d’un tube semicirculaire en plastique contenant un tuyau flexible. Une des extrémités du tube est formée d’un embout buccal alors qu’à l’autre extrémité, on retrouve une roulette qui permet d’ajuster le débit, la pression ainsi que la fréquence des oscillations. Lors de l’utilisation du Cornet®, la PEPO est produite grâce aux mouvements du tuyau flexible. Durant l’expiration, ce tuyau se remplit d’air et se plie à certains endroits à cause de la contrainte du tube semi-circulaire en plastique.
Le Quake® est un dispositif composé d’un embout buccal et d’une manivelle. Durant l’expiration, l’utilisateur peut gérer manuellement la fréquence des oscillations en tournant la manivelle à la vitesse désirée. Une rotation lente de la manivelle induit des oscillations à faible fréquence alors qu’une rotation rapide induit des oscillations à haute fréquence. Ainsi, le Quake® est recommandé pour les patients qui ont une atteinte pulmonaire importante et qui sont incapables de générer un débit expiratoire suffisant pour utiliser les appareils précédents 19.
Vibrations thoraciques à haute fréquence
La VTHF est aussi appelée oscillation à haute fréquence de la paroi thoracique, compression à haute fréquence de la paroi thoracique ou, plus communément, la veste. Tout comme les deux modalités précédentes, la VTHF ne requiert pas la participation active du sujet. Ainsi, elle peut être utilisée à partir de l’âge de deux ou trois ans. La VTHF fait appel à un équipement coûtant plusieurs milliers de dollars et peut être réalisée de façon autonome. Créés par Hansen et Warwick en 1990, plusieurs modèles sont maintenant disponibles sur le marché : The Vest®, la Smartvest® et InCourage®.
La thérapie par VTHF utilise une veste gonflable et un générateur d’air comprimé. Ce dernier envoie de l’air, de façon intermittente, dans la veste afin que celle-ci se gonfle et se dégonfle. Ainsi, autant à l’inspiration qu’à l’expiration, des oscillations mécaniques à haute fréquence sont transmises à la paroi thoracique. Ces oscillations provoquent, comme avec les dispositifs à PEPO, la vibration des voies respiratoires ce qui permet de décoller le mucus et de le mobiliser vers les voies aériennes supérieures. De plus, la compression thoracique produite par la veste remplie d’air permet d’améliorer le débit respiratoire à petits volumes pulmonaires et d’augmenter l’efficacité du transport mucociliaire en induisant une force similaire à la toux. Un nébuliseur peut être annexé à l’appareil afin d’administrer au patient une solution hypertonique durant le traitement
Les autres appareils
Il existe une multitude d’appareils pouvant aider au désencombrement des voies respiratoires et à l’amélioration de la fonction pulmonaire. Malheureusement, certains d’entre eux sont moins connus, moins utilisés ou moins étudiés. La nouveauté, la spécificité à des clientèles précises, une efficacité déjà démontrée avec d’autres clientèles ou un choix de modalités de désencombrement des voies respiratoires déjà impressionnant et difficile sont quelques facteurs pouvant expliquer le manque de données probantes sur l’utilisation de certains dispositifs avec les patients atteints de FK.
Le Frequencer® est un appareil doté d’un transducteur qui émet, a des fréquences variant de 25 à 40 Hz, des ondes mécaniques sinusoïdales ainsi que des vibrations acoustiques. Ces stimulations mécaniques et acoustiques entraînent la vibration des voies respiratoires 20, ce qui permet de décoller le mucus des parois et de le mobiliser vers les voies respiratoires supérieures pour être éliminé.
Le CoughAssist® est un appareil facilitant le dégagement des sécrétions des voies respiratoires chez les patients ayant une toux inefficace. L’appareil exerce graduellement, sur les voies respiratoires, une pression positive permettant une inspiration profonde. Cette pression positive se change brusquement en pression négative ce qui permet une expiration rapide, stimule la toux et favorise l’élimination des sécrétions 21.
Efficacité des appareils de désencombrement des voies respiratoires
Plusieurs études ont été effectuées dans le but de déterminer si la PEP, la PEPO et la VTHF sont des modalités de désencombrement des voies respiratoires efficaces et/ou supérieures aux autres modalités. Les variables analysées pour évaluer l’efficacité sont nombreuses, mais la variable la plus utilisée est la fonction pulmonaire. Cette dernière peut être évaluée par la capacité vitale forcée (CVF), le volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS) et le débit expiratoire moyen (DEM). Les autres variables fréquemment utilisées sont la quantité de sécrétion, la durée ou le nombre d’hospitalisations, la saturation de l’hémoglobine en oxygène (SpO2) et les effets indésirables.
Dans la majorité des études, les résultats de VEMS, de DEM et de CVF n’ont pas permis d’observer une différence d’efficacité significative entre les modalités de désencombrement des voies respiratoires.
La quantité de sécrétions expectorées suite à l’utilisation d’une modalité de désencombrement des voies respiratoires est une variable souvent utilisée pour évaluer l’efficacité du traitement. Toutefois, il est important de garder en tête que la fiabilité de cette mesure est discutable. En effet, la quantité de sécrétions peut varier grandement puisqu’elles peuvent contenir une quantité variable de salive ou être dégluties. En examinant les sécrétions expectorées, une seule étude a permis de mettre en évidence une variation entre deux modalités de désencombrement des voies respiratoires. En effet, App et coll. ont noté une réduction significative de la viscoélasticité des sécrétions suite aux séances de traitement avec le Flutter® comparativement au drainage autogène 22.
Le nombre d’admissions à l’hôpital suite à une détérioration pulmonaire peut aussi varier en fonction de la modalité de dégagement des sécrétions choisie. Dans l’étude de McIlwaine et coll., il n’y a pas de différence significative pour le nombre d’admissions à l’hôpital entre le groupe utilisant le DP avec percussions et celui utilisant un dispositif à PEP 23. Toutefois, une autre étude de McIlwaine et coll. a démontré, en comparant la PEP avec le Flutter® sur une période d’un an, une différence significative du nombre d’admissions à l’hôpital causées par une détérioration pulmonaire. En effet, dans le groupe PEP, cinq participants ont dû être hospitalisés comparativement à 18 dans le groupe Flutter® 24.
Conclusion
Les modalités de dégagement des sécrétions avec appareils sont faciles d’utilisation, rapides, portatives et permettent plus d’autonomie que les modalités conventionnelles. Les trois principaux types d’appareils présentés soient la PEP, la PEPO et la VTHF semblent être sécuritaires. Toutefois, aucune conclusion claire ne peut être émise quant à l’efficacité et la supériorité d’un appareil par rapport aux autres modalités de traitement. En considérant que la majorité des études présentées sont des études croisées évaluant les effets à court terme, il serait pertinent de disposer d’essais cliniques randomisés à long terme afin de donner plus de crédibilité aux résultats. De plus, comme le Flutter® est le dispositif à PEPO le plus connu, il est le plus utilisé dans les études, mais très peu de données sont disponibles sur les autres appareils de la même classe tels l’Acapella®, le Cornet® et le Quake®. La nouveauté de ces appareils pourrait expliquer le manque ou l’absence de littérature, 25 mais il serait intéressant que ces dispositifs soient aussi étudiés.
Rachel Brosseau Directrice de maîtrise
et
Amélie Côté
Florence Charbonneau-Dufresne
Annick Circé
Léa Charbonneau Corbeil
Montréal (Québec) Canada
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