Article d’Élisa Baldet, zoothérapeute, coordonnatrice à l’IZQI (Institut de zoothérapie du Québec-international) et fondatrice de SOS Libellule
Août 2021
La zoothérapie, c’est-à-dire l’utilisation d’animaux médiateurs auprès de personnes fragilisées ou ayant des besoins particuliers, est une approche alternative complémentaire aux soins de santé traditionnels, qui vise à améliorer la qualité de vie. Selon l’Institut de zoothérapie du Québec-International (IZQI), elle désigne l’ensemble des effets bénéfiques des animaux sur la santé humaine.
Pour l’American Veterinary Medical Association (AVMA), la zoothérapie représente un terme général maintenant couramment utilisé pour décrire l’utilisation de diverses espèces animales (chien, chat, lapin, cochon d’Inde, oiseau, cheval ou autre) et de diverses manières bénéfiques (thérapie, éducation, activités) pour les humains. Dans de telles démarches, ces animaux font partie intégrante du processus de traitement qui vise à améliorer les fonctions physiques, sociales, émotionnelles et cognitives des bénéficiaires. Cependant, la zoothérapie comme approche utilisée dans le domaine de la médecine est relativement nouvelle. Les origines de la zoothérapie proviennent de nombreuses disciplines à travers les âges : la psychologie, la sociologie, la psychiatrie, et plus tard la médecine vétérinaire.
Un peu d’histoire
Le lien humain-animal créé à des fins thérapeutiques commence à voir le jour au XVIIIe siècle grâce à William Tuke, directeur du York Retreat en Angleterre, un centre d’hébergement pour les personnes ayant des besoins en santé mentale. Il a été le premier, avec son petit-fils Samuel Tuke, à documenter l’utilisation des animaux auprès des patients afin d’améliorer leur séjour. Encouragés à prendre soin des animaux (lapins, mouettes, faucons et volailles), les patients parvenaient parfois à éveiller des sentiments sociaux et bienveillants.
En 1867, un centre spécialisé dans le traitement de l’épilepsie à Bielefeld en Allemagne, reconnaissant les bienfaits des animaux pour les humains, ajouta des animaux de compagnie à son équipe thérapeutique. Dans les années 1930, Sigmund Freud lui-même croyait que les chiens avaient un sens spécial qui leur permettait de juger le caractère d’une personne avec précision, tel un baromètre émotionnel. Son chowchow, Jo-Fi, assistait à toutes ses séances de thérapie.
Aux États-Unis, en 1944, l’Army Air Force Convalescent Hospital à Pawling dans l’État de New York favorisa le contact des soldats traités pour un trouble de stress post-traumatique avec des animaux de la ferme (chevaux, poulets, vaches).
C’est dans les années 1960 qu’est né véritablement le concept de «pet therapy », ou zoothérapie, avec les recherches du Dr Boris Levinson, pédopsychiatre américain, qui ont abouti à la Pet Facilitated Psychotherapy. Il a été le premier clinicien à présenter et documenter officiellement la façon dont les animaux de compagnie pouvaient accélérer le développement d’un rapport entre le thérapeute et le patient, augmentant ainsi la probabilité de motivation du patient.
Tout a démarré lorsqu’un enfant autiste, non verbal et replié sur lui-même, a commencé à parler et à interagir avec le chien de Levinson, Jingles, alors que le garçon avait été laissé seul pendant quelques minutes. Cet événement fut marquant, car Levinson n’avait pas été en mesure de faire parler l’enfant lors des séances précédentes. Il a ainsi constaté que les animaux fonctionnaient comme des objets transitionnels avec lesquels les patients pouvaient se lier: l’animal (objet transitionnel) vient rassurer le patient, le réconforter, le défendre contre l’angoisse, grâce à l’existence d’un lien d’attachement créé entre l’homme et l’animal. L’animal n’est en aucun cas un thérapeute, mais un merveilleux médiateur, car il joue un rôle de catalyseur social: il facilite les interactions entre les individus.
Depuis, d’autres chercheurs, thérapeutes, vétérinaires, médecins, enseignants ont expérimenté le lien humain-animal et reconnu qu’il est pertinent dans le traitement des patients, le suivi d’élèves, d’enfants, d’adultes et de personnes âgées ayant des besoins de guérison physique et émotionnelle.
La journaliste américaine, chroniqueuse et auteure de livres, Gina Spadafori, croit que les chiens médiateurs ont la capacité de toucher les gens à un niveau qui offre un vrai soutien émotionnel. «Ce sont des chiens de thérapie, et toute personne qui les a déjà vus à l’œuvre ne peut douter de la différence qu’ils font », écrit-elle dans son article Nez froid, cœur chaud – Les chiens de thérapie offrent un amour inconditionnel à ceux qui en ont le plus besoin (Cox News Service, 30 août 2004).
Au Québec, plusieurs établissements de santé ont opté pour la zoothérapie: l’Institut universitaire en santé mentale Douglas fait figure de pionnier en la matière, en intégrant un tel service en 1985; en 1993, l’Institut de zoothérapie du Québec-International (IZQI) installe tout un département de zoothérapie dans les locaux de l’Hôpital Jeffery Hale; l’Hôpital Rivière-des-Prairies, depuis 1993; le Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL) et le Centre mère-enfant Soleil de Québec, depuis 2000; le Centre de santé et de services sociaux de Québec-Nord; l’Institut Philippe Pinel de Montréal, depuis 2002, etc.
Les bénéfices de la zoothérapie
Favorisant une approche multidisciplinaire, la zoothérapie peut se faire de concert avec diverses autres approches thérapeutiques au domicile du bénéficiaire ou dans un centre de santé spécialisé. Elle s’adapte aussi très bien dans les établissements d’enseignement.
Le rôle de l’animal, soigneusement sélectionné et entraîné, est de faciliter la relation d’aide, de sécuriser et de motiver le bénéficiaire. L’animal est un véritable partenaire de travail pour le zoothérapeute et permet de faire briller les yeux de la personne qu’il rencontre!
Guylaine Normandeau, présidente fondatrice de l’IZQI, un des pionniers au Québec offrant des services de zoothérapie et formant de futurs zoothérapeutes, soutient que « la zoothérapie donne des résultats significatifs, car elle s’appuie sur des valeurs fondamentales et met en évidence ce qu’il y a de mieux en chacun de nous. Cette approche thérapeutique permet d’observer et d’être à l’écoute des gens pour mieux comprendre les difficultés vécues dans leur environnement, afin de leur apporter une aide sincère».
Chez SOS Libellule, clinique du langage et de zoothérapie, on accueille des enfants avec un trouble de développement du langage (TDL), un trouble du déficit de l’attention (TDA/H), des difficultés d’apprentissage ou d’autres défis. Les animaux font partie intégrante des moyens utilisés pour motiver les enfants, leur permettre de se concentrer et leur redonner confiance en eux. Pogo le samoyède, Luna la shih tzu, Kiwi le lapin, Mini-Rex et Dela la tourterelle sont présents à chaque séance et font le bonheur des enfants !
SOS Libellule offre aussi des services mobiles de zoothérapie auprès de personnes en détresse émotionnelle ou faisant face à des problèmes de santé mentale, à domicile, dans les centres jeunesse, les centres d’hébergement pour adultes, les résidences pour aînés et les établissements scolaires. Élisa Baldet, zoothérapeute, agente en stimulation du langage et fondatrice de la clinique, fait le constat suivant:
«La zoothérapie s’avère une formidable approche pour entrer en contact et échanger avec les personnes vivant une grande solitude, qu’elle soit sociale ou psychologique. Ce sont des personnes souffrant de pertes d’autonomie, de pertes cognitives ou de démence; ou des enfants et des jeunes ayant des épisodes de colère ou de violence; ou les non verbaux ou ceux atteints de mutisme sélectif. Grâce à des techniques de relation d’aide et de communication adaptées, la zoothérapeute présente le bon animal au bénéficiaire et entame la création d’une relation basée sur la confiance et sans jugement aucun pour apaiser, stabiliser ou améliorer la condition de la personne. L’animal favorise, lui, un lien d’attachement certain. »
Concrètement, la zoothérapie peut prendre plusieurs formes. L’animal peut être présent lors de consultations, d’interventions d’urgence, de visites de bien-être (individuelles ou en groupe; à domicile, dans les résidences ou centres spécialisés), de séances d’animaforme (exercices physiques accompagnés de l’animal), d’ateliers éducatifs (découverte des animaux, éducation de l’animal, prévention des morsures, etc.), de désensibilisation (pour surmonter la peur ou la phobie des animaux), ainsi que de services-conseils pour coordonner l’installation d’un ou plusieurs animaux chez le bénéficiaire ou l’établissement spécialisé. Les interventions poursuivent des objectifs précis, fixés en collaboration avec les professionnels de la santé, des services sociaux ou de l’éducation et la famille.
Aujourd’hui, plus de 3 millions de chiens et de chats vivent dans des ménages au Québec. Les animaux de compagnie sont donc très appréciés. Et quand ces derniers, éduqués par les zoothérapeutes, viennent en aide à autrui, ils sont adorés et font même des miracles !
Source: https://irp.cdn-website.com/bcd9cc87/files/uploaded/Zootherapie_mai2021.pdf