Smita Pakhale , Justine Baron, Michael Armstrong, Georgio Tasca, Ena Gaudet, Shawn Aaron, William Cameron, Louise Balfour
Centre de recherche de l’Hôpital d’Ottawa
Ottawa (Ontario)
Extrait du SVB2016
Le but de l’étude était de jauger les besoins en aide psychologique des adultes atteints de FK. En suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, nous avons inclus dans l’étude un aspect clinique à propos des symptômes de dépression et d’anxiété. De plus nous avons vérifié les liens entre le résultat de ces recherches et la possibilité d’avoir recours à de l’aide psychologique ainsi que sa présence au sein des cliniques multidisciplinaires spécialisées en FK.
Le taux de participation à cette étude s’élève à 94 % ce qui indique que l’échantillon, malgré son nombre restreint, devrait représenter assez bien l’état de la population ciblée par l’étude (les adultes atteints de FK à Ottawa). Tout d’abord, nous pouvons démontrer qu’une prévalence des symptômes de dépression et d’anxiété est présente dans la population étudiée. Ainsi, 40 % de la population de l’échantillon avouait avoir vécu plusieurs symptômes proches de la dépression. Ce nombre est plus élevé que dans la population en général (38 %) et encore plus élevé que dans une autre étude où 29 % des adultes atteints de FK avaient eu les mêmes symptômes. Les taux de prévalence sont plus hauts chez les femmes que chez les hommes même si la proportion d’hommes et de femmes est équilibrée. Le chiffre le plus important dans le rapport est le pourcentage des personnes sondées affectés par des symptômes de dépression qui dévoilaient avoir eu recours au moins occasionnellement à de l’aide psychologique, soit 20 %. Donc, l’accès à ces services a sûrement aidé les personnes à se protéger contre l’amplification de ces symptômes.
Du côté de l’anxiété, 13 % des gens inclus dans la recherche ont soutenu avoir des symptômes qui y sont reliés. Ce pourcentage est plus faible que dans une autre recherche plus approfondie auprès des personnes atteintes de FK.
D’un autre côté, ce pourcentage est plus élevé que celui rapporté par une autre étude incluant 153 adultes atteintes de FK et que celui qu’obtient la population canadienne en général au test GAD. Les différences dans les chiffres peuvent provenir des méthodes utilisées. Pour ce qui est de la combinaison de l’anxiété et de la dépression, elle existe dans la population en général tout comme dans celle atteinte de la FK et au Canada, elle se compare aux taux présents dans le monde.
Pourtant, près de 30 % des personnes qui vivaient avec plusieurs symptômes de dépression n’avaient jamais ou que très rarement consulté à propos de ces problèmes. Cette situation n’est pas surprenante et est même fréquente dans la population en général. Une étude conduite en Australie démontre que 75 % des patients qui ont le cancer ayant subi des symptômes de dépression n’ont pas reçu de soutien psychologique même si un spécialiste faisait partie de l’équipe traitante ou que des groupes de soutien étaient organisés. Deux études américaines ont démontré que le recours au soutien psychologique ne changeait rien aux frais reliés aux soins requis par des patients dans le milieu de la santé comparativement à d’autres services offerts. Une autre étude démontre que beaucoup (64 %) d’étudiants universitaires qui subissaient des problèmes de dépression ne recevaient aucun traitement même s’ils étaient couverts par une assurance santé ou s’il existait un système de recours à une aide psychologique à court terme au sein de leur établissement d’enseignement. De plus, il est prouvé que les personnes qui souffrent de problèmes d’anxiété sont moins portés à aller chercher de l’aide que les personnes aux prises avec un trouble de l’humeur. Ces statistiques tendent à démontrer que le problème du recours à de l’aide psychologique n’est pas restreint aux personnes atteintes de la FK ou à la population canadienne seulement. Si un soutien psychologique est offert par l’un des spécialistes de l’équipe traitante, sa promotion doit être faite en parallèle.
La majorité des participants à l’étude qui démontraient des signes de dépression et d’anxiété nous ont affirmé qu’ils seraient heureux de trouver dans leur clinique un service d’aide psychologique et qu’ils s’en serviraient. Pour ceux qui n’en avaient jamais ressenti le besoin, la situation est la même : la majorité d’entre eux s’en serviraient si leur situation venait à changer. Une étude menée par Oxley et all a démontré que les épisodes de stress et les difficultés vécues par les personnes atteintes de FK ne sont pas nécessairement détectables avec les mesures normales de l’anxiété ou de la dépression. Les participants à l’étude nous ont révélé qu’ils seraient ouverts à parler, non seulement des soucis et de leurs humeurs avec un spécialiste, mais également des transitions de la vie, du stress et des modifications à leur vie que la FK entraîne. Une première recommandation serait donc d’instaurer une visite annuelle chez un psychologue pour chaque personne atteinte de FK ce qui aiderait à cibler les patients à risque de développer des symptômes de dépression et d’anxiété et servirait à leur donner la priorité dans les rendez-vous. Cette recommandation ne va pas sans tenir compte des limites qui ont été mentionnées dans certains travaux dans le milieu de la santé, c’est-à-dire le temps et le personnel limités ainsi que le manque de personnel qualifié pour donner des références et répondre à la demande ensanté mentale. La proportion élevée de personnes interrogées dans l’étude qui n’ont pas de symptômes d’anxiété ou de dépression, mais qui apprécieraient avoir un suivi si le besoin s’en faisait sentir démontre l’importance de miser sur la prévention et le soutien comme le soulignent les recherches épidémiologiques sur la FK et la Cystic Fibrosis Foundation (Fondation américaine de la fibrose kystique). Les visites annuelles prônées par ces lignes directrices à propos de la santé mentale pourraient inclure une formation en gestion du stress, des méthodes pour atteindre la résilience nécessaire dans certaines situations de la vie et de la maladie, pour réduire les sentiments de détresse, surtout dans les processus de chirurgie.
Une proportion élevée de participants rencontreraient probablement un psychologue, s’ils en avaient l’occasion. Ceci pourrait traduire un besoin d’inclusion dans un groupe donné.
Pourtant, les besoins d’aide psychologique démontrés dans cette étude font partie de recherches plus étendues à propos de l’adhésion au traitement ou l’observance du traitement.
Une autre explication de la proportion élevée de participants qui rencontreraient probablement un psychologue s’ils en avaient l’occasion est peut-être reliée à la performance qu’obtiennent le Center for Epidemiologic Studies Depression Scale Revised et le GAD-7 (sept questions sur les troubles d’anxiété généralisés). Encore là, les études qui utilisent cette méthode de diagnostic sont généralement fiables et sont souvent utilisés dans d’autres circonstances de recherche en FK. Notre travail a été effectué avant la sortie des lignes directrices des recherches épidémiologiques sur la FK et celles de la Cystic Fibrosis Foundation qui recommandent aux patients l’utilisation du questionnaire sur la santé du patient (PHQ-9) et du GAD-7 afin de déceler les symptômes des personnes atteintes de FK. Ces outils aideront sans doute les prochaines recherches dans ce domaine. Le questionnaire sur la santé du patient en particulier améliore la qualité du diagnostic car 1) il se base sur le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux IV 2) il est de plus en plus utilisé dans les recherches sur les conditions du système de santé 3) il est facile à utiliser 4) sa traduction est disponible dans plusieurs langues afin qu’il soit utilisé dans tous les pays 5) il est beaucoup moins long que le CES-D avec les mêmes résultats sur la sensibilité diagnostique et spécifique et 6) il est plus approprié pour les recherches en définition du changement car on peut évaluer plus facilement le taux de réponse à un traitement.
Les recherches sur l’efficacité des interventions d’aide psychologique sur les patients atteints de FK. Il n’y a pas de raison de ne pas offrir ces services à toutes les personnes atteintes de FK quand ils sont bénéfiques pour le reste de la population et surtout pour les personnes avec des problèmes de santé. La présence d’un spécialiste en santé mentale dans l’équipe traitante et dans le processus de traitement peut également améliorer la qualité des services de l’équipe.
Cette étude est la première qui se penche sur les besoins psychologiques des adultes atteints de FK qui fréquentent une clinique spécialisée et interdisciplinaire au Canada au sein de laquelle il y a un travailleur social mais ou l’accès à un psychologue n’est offert qu’en clinique privée seulement après référence. Ce genre de clinique est présent partout au Canada.
En 2011, Fibrose Kystique Canada a publié un résumé des services offerts dans les 42 cliniques spécialisées en FK au Canada. Dans ce document, les services offerts par des psychologues et ceux offerts par des psychiatres sont mentionnés sans égard aux grandes différences entre les 2 spécialistes du comportement humain. Les statistiques incluses dans ce document montrent tout de même l’état de l’accès aux services d’aide psychologique dans les cliniques spécialisées en FK. Seulement 16 des 42 cliniques autorisées ont recours aux services d’un psychologue/psychiatre au sein de l’équipe multidisciplinaire et la référence en pratique privée se fait dans 20 cliniques spécialisées. Dans 3 de ces 42 cliniques, on note l’absence de spécialiste et d’un système de référence.
En Europe, l’inclusion d’un psychologue dans l’équipe traitante est maintenant chose faite. Ce qui veut dire que certaines cliniques canadiennes ne répondent pas aux critères internationaux en matière de santé mentale pour les personnes atteintes de FK..
Tout d’abord, les listes d’attente s’éternisent comme le temps que les patients passent après leur inscription (jusqu’à 12 mois dans certains cas). Le deuxième désavantage est qu’il est difficile de suivre le parcours de chaque patient, surtout quand les suivis psychologiques sont faits par différents spécialistes à l’externe. Nous connaissons déjà l’importance d’une approche intégrée dans les soins aux personnes atteintes de maladies chroniques. Un autre désavantage est relié au financement de ces visites car le mode de remboursement diffère d’un endroit à l’autre au Canada.
L’aide psychologique offerte dans les cliniques de FK au sein des centres hospitaliers est couverte par l’assurance santé provincial alors que l’aide par l’entremise d’une référence ne l’est pas. La plupart des personnes atteintes de FK ne peuvent s’offrir les services d’un spécialiste en pratique privée, ou une assurance santé au travail, pour couvrir ces frais exorbitants (40 % des
participants à notre étude étaient sans emploi ou en invalidité). L’accès limité aux services offerts dans le milieu de la santé, mais indépendamment des cliniques de FK et le prix mirobolant de ces services en pratique privée, ont été soulevés par le gouvernement en place en 2004. Par contre, rien n’indique que les choses ont changé ou vont changer. Cela complique également le processus de rétablissement.
Cette étude tend à démontrer les besoins psychologiques des adultes atteints de FK tant au niveau de la prévention que du traitement. Même si une grande partie des cliniques spécialisées en FK au Canada font appel à un spécialiste au sein même de l’équipe traitante, la majorité d’entre elles n’offre pas ce service, essentiel à nos yeux. Les patients de ces cliniques reçoivent donc un traitement qui ne répond pas aux standards mondiaux. D’où l’importance de promouvoir les équipes multidisciplinaires dans les cliniques spécialisées en FK et d’intégrer nécessairement un spécialiste de la santé mentale au sein de ces équipes.
Laisser un commentaire