Extrait de VIVRE Express – Été 2016
Entrevue avec Marie-Ève Major
Travailleuse sociale de la clinique de fibrose kystique du CHUM
En janvier, vous avez succédé à Laval de Launière en tant que travailleuse sociale de la clinique de fibrose kystique de l’Hôtel-Dieu. Pouvez-vous nous raconter votre parcours?
Bien sûr. J’ai commencé ma carrière en travaillant à titre d’intervenante psychosociale dans une maison pour femmes en difficulté pendant mes études au baccalauréat en travail social à l’UQÀM. En 2011, j’ai effectué un stage à la clinique de psychiatrie de l’hôpital Notre-Dame. Suite à l’obtention de mon diplôme, en mai 2012, le CHUM m’a engagée pour travailler en médecine physique. J’ai œuvré dans plusieurs spécialités médicales avant d’être recrutée par l’équipe de pneumologie de l’Hôtel-Dieu, à l’été 2013. Au fil des ans, j’ai développé un bon lien avec les médecins et professionnels de la clinique de fibrose kystique, ce qui fait que lorsque Laval de Launière a annoncé son départ, j’ai manifesté mon intérêt pour le remplacer.
Comment voyez-vous votre rôle au sein de la clinique?
Le rôle principal inhérent à ma profession est de soutenir et de rétablir le fonctionnement social de la personne dans le but de favoriser son développement en interaction avec son environnement. Comme travailleuse sociale, je m’efforce d’accompagner les individus et les familles à travers les épreuves de la vie, en apportant de l’écoute, du support, et de l’assistance dans la prise de décisions ainsi que dans la recherche de solutions. Je maintiens la profonde conviction que chaque personne possède en elle les forces et les habiletés nécessaires pour apporter des changements positifs à sa situation. Je pense que mon rôle principal est de favoriser l’émergence de ces forces à travers mes interventions. Dans un deuxième temps, je considère que le rôle d’une travailleuse sociale au sein d’une équipe multidisciplinaire est de faire ressortir le contexte psychosocial des patients et des patientes pour que celui-ci soit pris en compte. Ainsi, j’espère humblement pouvoir contribuer à l’humanisation et à la personnalisation des soins de santé offerts à la clinique.
Comment s’est passé votre premier contact avec les personnes vivant avec la FK? Avez-vous eu à changer votre approche habituelle, à l’adapter?
Dès mes premières rencontres, j’ai senti que le lien de confiance avec cette nouvelle clientèle allait se créer très facilement. Tout d’abord, j’ai été merveilleusement bien accueillie, et cela malgré le sentiment de tristesse partagé par plusieurs, en lien avec le départ de mon prédécesseur, Laval de Launière. Les gens se sont montrés empathiques et compréhensifs envers moi, ce qui fût très aidant. Puis, j’ai été frappée par la diversité des perceptions et des expériences de la maladie qui diffère énormément d’une personne à l’autre. On remarque parfois des similitudes au niveau des épreuves que les gens ont dû traverser, ou en ce qui a trait aux stratégies de survie qui ont été déployées pour les surmonter, mais chaque personne est foncièrement unique et chemine différemment dans son parcours d’acceptation de la maladie. Cette réalité rend mon travail d’autant plus stimulant et intéressant.
En ce qui a trait à la nécessité d’adapter mon approche, je pense que les principes de base qui guident ma pratique depuis que j’interviens dans le contexte hospitalier demeurent les mêmes; chaque personne est le maître de sa propre vie et l’expert de sa situation, chaque personne possède en elle les forces nécessaires pour apporter des changements positifs, la personne humaine est une entité complexe qui ne doit en aucun cas être définie par un diagnostic médical. Ce qui diffère de mes assignations précédentes, c’est que dans le contexte de la clinique externe, j’ai maintenant la chance de pouvoir créer un véritable lien de confiance avec les patients et les patientes, un élément qui est selon moi primordial pour que des changements puissent être apportés.
Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels font face ceux qui vivent avec la FK?
Selon ce qui m’a été jusqu’à présent rapporté par la clientèle, les principaux défis liés au fait de vivre avec la fibrose kystique seraient notamment liés à l’acceptation du diagnostic, à la lourdeur des traitements quotidiens, à l’employabilité, à la précarité économique, à l’insécurité alimentaire, à la stigmatisation, à l’infertilité masculine, à la conciliation travail-famille, ainsi qu’à la détresse psychologique ressentie par plusieurs devant le caractère incertain de leur avenir. Par chance, tous les adultes atteints de fibrose kystique ont quelque chose en commun. Une force de résilience absolument incroyable qui leur permet de faire face à ces défis jour après jour. Je me sens privilégiée d’être en mesure de les accompagner à travers les moments plus difficiles et de les voir renaître, des jours, des semaines ou des mois plus tard, avec une nouvelle étincelle dans le regard.
Bientôt, la clinique déménagera dans les nouvelles installations du CHUM. Certaines personnes ont exprimées leurs inquiétudes face à ce déménagement. Que pouvez-vous dire à ces personnes pour les rassurer?
Je pense qu’il est normal d’avoir des peurs et des appréhensions devant un tel changement, surtout pour ceux et celles qui sont suivis à la clinique de l’Hôtel-Dieu depuis plusieurs décennies. Il a été prouvé que le fait de changer de milieu de vie est aussi traumatisant sur le plan psychique que le fait de vivre un divorce ou encore le deuil d’un être cher. Nous allons devoir traverser cette période d’adaptation ensemble, autant au niveau des médecins et des professionnels que de la clientèle. Une chose est certaine, l’amélioration de la qualité de vie des patients et des patientes de la clinique de fibrose kystique du CHUM est et restera toujours notre priorité en tant qu’équipe. J’invite tout le monde à ne pas hésiter à partager leurs inquiétudes lors de leurs visites de suivi. Parfois, le simple fait d’en parler peut faire diminuer l’anxiété.