Témoignage d’Amélie Payment, publié dans le SVB numéro 45
Septembre 2021
Devenir majeure: quelle est sa signification? Devenir majeure, c’est surtout un changement! La clinique de fibrose kystique à Sainte-Justine m’avait pourtant préparé à cet évènement. Malgré ça, j’ai quand même eu de la difficulté à composer avec cette nouvelle réalité. Pour moi, la base d’une vie d’adulte est de prendre des décisions et également faire face à de gros évènements. Cela se résout à des instabilités, à des explorations identitaires et, pour certains, c’est également de tomber amoureux. En gros, la vie d’adulte c’est faire des choix et les assumer. Maintenant, lorsque la vie d’adulte se combine avec la FK, c’est davantage un défi. Comme dans mes chroniques précédentes, j’ai déjà exprimé le fait qu’avoir la fibrose kystique signifie plus d’autonomie et de responsabilités. Maintenant que j’ai atteint mes 18 ans, je peux dorénavant partager mon expérience avec vous.
Le 9 aout 2021 a été mon entrée officielle dans la VRAIE vie. Un mélange entre se sentir grande et petite en même temps. J’étais une adulte. Plus une enfant ni une adolescente. J’avais le sentiment de liberté qui était à son paroxysme. Puis quelques minutes plus tard, le retour à la réalité frappa, l’hôpital essayait de m’appeler… C’est ça avoir une maladie, il y a toujours un petit quelque chose pour revenir sur Terre. Dans mon cas, cet appel était pour mon rendez-vous de suivi. En plus, étant devenue une adulte FK, je devais dorénavant recevoir les appels et m’organiser par moi-même avec un agenda. Ma journée de fête n’était même pas terminée que mon autonomie était déjà mise à l’épreuve. Même chose pour mes médicaments, je savais quand mes pots étaient vides, mais en plus j’avais la responsabilité d’appeler à la pharmacie et aller les chercher avec ma voiture. Là aussi, j’ai dû m’adapter avec la façon dont je gérais mon temps. Entre l’école et le travail, je devais vraiment être assidue avec la planification de mes activités.
L’organisation de mes rendez-vous médicaux a été la première étape pour affronter mon nouveau style de vie. La deuxième représente probablement le plus gros morceau: mon transfert d’hôpital. Quitter les spécialistes qui m’avaient suivi depuis mes premiers mois de vie pour aller dans un établissement rempli d’inconnus. Je ne réalisais pas que je partais de Sainte-Justine avant que je mette mes deux pieds au CHUM. C’est à ce moment que je réalisais vraiment le détachement qu’on me demandait de faire. Durant l’entièreté de la visite, j’étais anxieuse. Était-ce l’imposante bâtisse qui me donnait temps de frissons? Je ne le savais pas à ce moment, mais je sais maintenant que c’était un état de choc. Je comprends en revanche qu’avoir un tel sentiment était normal puisqu’un hôpital représente bien plus qu’un endroit où les docteurs prescrivent des médicaments. Avec la maladie, je pense parler au nom de plusieurs personnes vivant la même situation en disant que mon hôpital représente une maison et une famille. Les liens entre les personnes avec la FK et les spécialistes sont beaucoup plus approfondis qu’entre une personne et son médecin qu’elle voit une fois par année pour un mal de gorge. Donc oui, se séparer de ceux qui m’ont accompagnée depuis tant d’années, c’était comme couper un cordon ombilical. En plus, si vous êtes un ou une petite sensible comme moi, ça doit vous avoir fait la même chose.
Devenir majeure a également fortifié mes croyances envers l’amour. En atteignant mon âge actuel, j’ai compris l’importance d’avoir un compagnon sur qui je pouvais compter. Car oui, aimer et être aimé est tout à fait possible même en étant malade. Je dirais même qu’avec la maladie, ça apporte un lien un peu plus profond et sincère entre l’un et l’autre. Mon copain vient avec moi chaque jour où je dois faire une petite visite à l’hôpital. C’est très important, selon moi, d’avoir un copain ou une copine qui traverse tout ce que vous traversez aussi.
Donc voilà ce qui conclut mes adaptations sur mon plus grand défi jusqu’à ce jour: être une adulte avec la fibrose kystique. Avoir 18 ans représente le changement. Que ce soit dans les bons comme dans les mauvais côtés, je vais faire ce que j’ai toujours fait, m’adapter. L’organisation et l’autonomie seront peut-être difficiles à gérer au début, mais ça ne me rendra jamais moins courageuse.