Sources : Projecting the impact of delayed access to elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor for people with Cystic Fibrosis
August 23, 2020. https://doi.org/10.1016/j.jcf.2020.07.017
Article au complet et illustrations disponibles dans le dernier SVB
Contexte
Les thérapies qui ciblent le défaut sous-jacent de la fibrose kystique (FK) auront probablement un impact sur les caractéristiques futures de la population FK et sur l’utilisation des soins de santé. Les objectifs de cette étude étaient d’estimer l’impact potentiel de l’Elaxacaftor/tezacaftor/ivacaftor sur la morbidité et la mortalité et les conséquences d’un accès retardé au médicament.
Introduction
La prévision des résultats sanitaires peut favoriser une meilleure compréhension des besoins à long terme d’une population donnée et anticiper la demande de futurs services et ressources de soins de santé. Le développement de thérapies modulatrices régulières de la conductance transmembranaire de la fibrose kystique (CFTR) qui s’attaquent à la cause sous-jacente de la fibrose kystique (FK) pour plus de 90 % de la population FK devrait modifier de manière significative les caractéristiques et les besoins d’utilisation des soins de santé de la population FK. Les essais cliniques de phase III de la combinaison de modulateurs CFTR la plus efficace, elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor (TRIKAFTA®), ont démontré une amélioration de la fonction pulmonaire et une réduction des exacerbations à court terme. Le traitement par modulateur CFTR peut également modifier la trajectoire de la maladie et les taux de mortalité à long terme. En conséquence, on s’attend à ce qu’un nombre croissant de patients adultes atteints de FK vivent avec cette maladie chronique, ce qui nécessite une planification et une anticipation minutieuses des besoins futurs du système de
soins de santé.
La triple combinaison de médicaments elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor a été approuvée par la Food and Drug Administration américaine en octobre 2019 ; toutefois, le processus d’approbation et les délais prévus pour les autres pays ne sont pas clairs. En outre, l’approbation nationale d’un traitement ne se traduit pas nécessairement par la disponibilité immédiate d’une thérapie pour tous les patients, en particulier pour les traitements coûteux, lorsque les décisions concernant les prix des médicaments et la couverture par les régimes d’assurance peuvent être prolongées.
Les thérapies de modification de la maladie ont le potentiel de transformer la vie des personnes vivant avec la FK et modifient la trajectoire clinique de la maladie. L’impact d’un accès tardif au médicament n’est pas bien compris. Les objectifs de cette étude étaient d’estimer l’impact potentiel de l’elexacaftor/ tezacaftor/ivacaftor sur la morbidité et la mortalité de la population des FK, ainsi que les conséquences d’un accès tardif à la médication.
Méthode
Un modèle de transition par microsimulation a été appliqué aux données du registre canadien des maladies infectieuses afin de prévoir la gravité des maladies pulmonaires, les exacerbations pulmonaires, les décès et les transplantations jusqu’en 2030 selon trois scénarios :
1) aucune disponibilité d’elexacaftor/tezacaftor/ ivacaftor ;
2) disponibilité en 2021 (« précoce ») ;
3) disponibilité en 2025 (« retardée »).
Les données de la phase III publiées sur les effets du traitement ont été utilisées pour estimer les taux de transition entre les différents états de gravité de la maladie.
Résultats
Un total de 4 440 personnes avaient des valeurs de fonction pulmonaire disponibles en 2018 ou des valeurs qui pouvaient être supposées (soit en reportant les mesures de 2017 [n = 393], soit en supposant un état de santé chez les enfants de moins de 6 ans [n = 530]).
Résultats projetés sur la base de la modélisation par microsimulation
Le tableau 3 (SVB) expose les différentes populations qui ont été générées à partir du modèle de microsimulation selon les hypothèses clés concernant l’état de la maladie et l’effet du traitement.
1. Démographie et état des poumons
Dans le scénario de base, où les taux de transition actuels se poursuivent et où aucune nouvelle thérapie modulatrice n’est introduite, la population FK devrait passer de 4 440 à 5 415 personnes (ET 15) en 2030 ; elle se compose d’environ 35 % d’enfants et de 65 % d’adultes. En supposant que l’on ne dispose pas d’elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor, nous avons estimé qu’il y aurait 3 185 (ET 13) (~60 %) individus dont l’état de la maladie serait léger, 1 166 (ET 14) (~22 %) modéré et 447 (~8 %) grave d’ici 2030.
Cependant, si tous les patients de plus de 12 ans présentant au moins une mutation F508del recevaient de l’elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor en 2021 (« précoce ») et que le traitement était efficace pour ralentir la progression de la maladie pulmonaire, la population FK serait plus importante en 2030 et il y aurait moins de personnes vivant avec une maladie pulmonaire grave que si le médicament n’était pas disponible (tableau 3 ; fig. 2). En 2030, les projections se traduiraient par une diminution de 60 % (95 % IC 55,3 ; 63,9 %) des personnes souffrant de maladies pulmonaires graves, et de 18 % (95 % IC 18,2 ; 19,0) d’individus en plus souffrant d’une maladie pulmonaire légère (tableau 3). Le report de la disponibilité de l’elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor jusqu’en 2025 (« retardé ») entraînerait lui aussi une diminution du nombre de personnes souffrant de maladies pulmonaires graves et une augmentation du nombre de personnes vivant avec une maladie pulmonaire légère, mais les pourcentages de modification de ces états seraient considérablement plus faibles que si le médicament était introduit de manière « précoce » (tableau 3).
2. Exacerbations pulmonaires
En appliquant aux prévisions de base les taux d’exacerbation de 2017, soit 0,09/an dans le groupe au stade « léger » de la maladie, 0,9/an dans le groupe au stade « modéré » et 2,2/an dans le groupe au stade « grave », le nombre estimé d’exacerbations pulmonaires nécessitant une hospitalisation ou des antibiotiques IV à domicile en 2030 augmenterait de 1 988 à 2 311 (ET 36) (tableau 3). Au total, on a estimé à 25 370 (ET 177) le nombre d’exacerbations nécessitant une hospitalisation entre 2019 et 2030 si la trithérapie n’était pas disponible. Toutefois, si le médicament était disponible « précocement » et en supposant que les exacerbations aient été réduites de 63 % (c’est-à-dire que les taux d’exacerbation seraient de 0,055/an dans le groupe des sujets au stade léger de la maladie, 0,55/an dans le groupe au stade modéré et 1,35/an dans le groupe au stade sévère), le nombre prévu d’exacerbations diminuerait, avec environ 4 135 (95 % IC 4042 ; 4226) exacerbations de moins entre 2021 et 2030. Pour ce qui est de l’introduction « retardée » du médicament, les
résultats demeurent de 2 141 (95 % IC 2043 ; 2239) moins d’exacerbations entre 2025 et 2030, mais il y aurait beaucoup plus d’exacerbations évitées si l’on introduisait l’elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor « précocement ».
3. Décès ou transplantation
Sans elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor, l’âge médian de survie resterait stable entre 2018 et 2030 (tableau 3). En supposant que tous les patients admissibles commencent une trithérapie « précocement », le nombre total de décès serait réduit de 15 % (95 % IC 13,2 ; 18,4) d’ici 2030. En se basant sur le scénario initial, et après 10 ans de thérapie, l’âge médian de survie estimé augmenterait de 9,2 (IC à 95 % 7,5 ; 10,8) ans d’ici 2030 et il y aurait 74 (IC à 95 % 62 ; 86) décès de moins (tableau 3 ; fig. 4). Si le médicament était « retardé », le nombre de transplantations et de décès serait également réduit, mais dans une moindre mesure que si le médicament était introduit plus tôt. D’ici 2030, l’introduction « retardée » du médicament améliorerait l’âge médian de survie de 3,3 ans (95 % 1,7 ; 5,0), ce qui ferait 31 (95 % IC 19 ; 44) décès de moins entre 2021 et 2030 (fig. 4).
Si le médicament était disponible « tôt », on pourrait s’attendre à 146 transplantations de moins d’ici 2030, ce qui serait dû à un nombre réduit d’individus dont la fonction pulmonaire serait sévère et à 98 transplantations de moins si le médicament était « retardé ».
Conclusions
Un accès retardé à elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor aurait un impact négatif sur la santé pulmonaire et la survie dans la population FK.