Les greffés FK toujours prêts à dépasser les statistiques
Karine Rancourt, témoin privilégié du progrès des transplantation de poumons
Révision : Roger Clavet
Karine Rancourt est bien placée pour constater les progrès remarquables au fil des ans au niveau des greffes de poumons. Infirmière-clinicienne au CHUM depuis près de 30 ans, avec spécialisation en transplantation, elle affirme que les patients atteints de la fibrose kystique sont fantastiques et qu’ils ne sont pas du genre à baisser les bras.
« Les greffés FK ont une résilience très forte. Ils sont très débrouillards. Avant la greffe, ils ont déjà appris à survivre. Ils sont toujours prêts à dépasser les statistiques », confie-t-elle au cours d’un entretien destiné à dresser l’état des lieux en matière de greffes de poumons au Québec.
Aux premières loges pour observer
Au fil des ans, celle qui a déjà eu à suivre, dans sa cohorte, l’état de santé de 175 patients FK, a été aux premières loges pour évaluer en particulier l’évolution favorable, au fil des ans, des transplantations de poumons dans la communauté FK. Elle n’en sous-estime pas pour autant la gravité.
« La transplantation des poumons ne règle pas tout. Cela demeure une chirurgie invasive de huit heures qui nécessitera des traitements toute la vie. Le but de la transplantation demeure d’augmenter la qualité de vie des patients », rappelle Karine Rancourt, consciente des défis restant à relever malgré les progrès indéniables des dernières années en matière de transplantation de poumons.
Cette infirmière experte en transplantation dresse néanmoins un bilan somme tout impressionnant, depuis le début des années 2000, des taux de réussite et de survie associés aux transplantations pour la communauté FK.
Au début, se souvient-elle, pour le candidat âgé de plus de 14 ans les critères d’admissibilité exigeaient un poids minimal de 45 kg ou un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 16. l Parfois même, des patients affaiblis devaient être nourris par tube (jéjunostomie, gastrostomie). La transplantation demeurant la seule avenue possible de survie avant le transfert aux soins palliatifs.
Aujourd’hui, un critère de poids est encore à respecter pour pouvoir faire la transplantation en raison des appareillages (tube endo trachéal; écarteurs pour la chirurgie, etc). Les patients doivent peser au moins 35 minimun-40 kg et viser un IMC de 16 et plus.
« À l’époque, nous n’acceptions pas les patients intubés. Seuls les candidats à la transplantation encore capables de marcher, avec un potentiel de réhabilitation, étaient admissibles à la transplantation. Malgré ces contraintes, nous procédions tout de même à une trentaine de transplantations par année, dont le tiers était FK. Entre 50 à 100 patients demeuraient en attente d’une transplantation. La mortalité pendant l’attente était très élevée. On perdait le tiers d’entre eux », se souvient Karine Rancourt. Au Québec, le tiers de patients en attente sur la liste de Transplant Québec étaient FK, les autres étaient surtout atteints de maladies interstitielles et d’emphysème.
Fini le principe du premier arrivé, premier servi
Puis, dès 2011, les centres de transplantation ont mis au point des listes d’urgence tenant désormais compte de la gravité de l’état de santé des patients en attente, et non plus une admissibilité fondée sur la seule base du principe « premier arrivé, premier servi » basée sur le groupe sanguin et le temps d’attente qui prévalaient jusque-là.
« Avec la création d’une liste d’urgence, nous avons pu prioriser les patients selon leur état critique, aux soins intensifs ou pas, intubés ou pas, et non plus sur la seule base de leur rang au fichier. Nous avons aussi modifié les limites d’âge en place, tant pour les donneurs que pour les receveurs. De nos jours, nous voyons des donneurs qui ont 70 ans et des receveurs qui ont 75 ans. Nous avons aussi étendu le bassin des donneurs marginaux en acceptant, par exemple, les fumeurs et d’autres catégories de donneurs potentiels qui étaient exclus jusque-là », précise la spécialiste du CHUM.
L’entrée en scène du Trikafta
Vers 2018-2020, l’entrée en scène du « médicament miracle » Trikafta s’est elle aussi faite graduellement. « Quand le médicament en était encore au niveau du protocole de recherche, j’ai traité des patients en attente de poumons qui prenaient déjà ce médicament. Leur cas s’est rapidement amélioré au point de les retirer de la liste d’attente pour une transplantation. Le traitement était à ce moment très onéreux et peu de gens y avaient accès. Les choses ont beaucoup changé depuis », souligne avec satisfaction Karine Rancourt.
Selon elle, les nouveaux traitements et l’apparition de remèdes quasi miraculeux ne sonnent pas automatiquement le glas de la fibrose kystique. « La FK ne disparaît pas par enchantement après la transplantation, soutient l’infirmière clinicienne. La maladie demeure souvent présente dans les autres organes cibles comme les sinus, le pancréas, le diabète et les enzymes pour le système digestif ».
Ultimement, conclut l’infirmière clinicienne du CHUM, le patient, transplanté ou non, doit être capable de reprendre le cours de sa vie. « C’est comme une 2e vie qui lui est donnée ».
Karine Rancourt
Infirmière clinicienne au CHUM
Depuis 1998, elle a été une pionnière dans le développement du programme de transplantation pulmonaire du CHUM, unique au Québec, en collaboration avec l’équipe médicale du Dr Pasquale Ferraro et du pneumologue Dr Charles Poirier.
Mme Rancourt a développé une expérience en télé expertise, suivant des patients partout dans l’est du Canda, tant dans les Maritimes qu’en Ontario. Elle possède aussi une vaste expérience en soins actifs, longue durée et palliatifs, ainsi qu’en gestion comme assistante-infirmière chef au sein de diverses unités de soin. Conférencière invitée fort prisée de nombreuses organisations médicales et scientifiques lors de symposiums ou d’activités de formation, elle est reconnue pour ses habiletés en communication avec les médias et en vulgarisation scientifique. Sa carrière l’a menée à suivre des stages universitaires de perfectionnement en transplantation pulmonaire à Pittsburgh, en Pennsylvanie, et à Stanford, en Californie. Actuellement, Mme Rancourt s’est jointe à l’équipe de transplantation rénale du CHUM et elle poursuit sa carrière en transplantation multi organe.
Pour en savoir plus et lire notre dossier en entier, référez-vous à notre Magazine Santé Vous Bien. https://vivreaveclafibrosekystique.com/wp-content/uploads/2024/09/SVB-Automne-2024-1.pdf