Regarder vers l’avant, le cœur plein d’espoir
Aujourd’hui âgé de 30 ans, je peux dire sans trop me tromper que ma santé va bien. Mes poumons sont stables et mon foie n’est préoccupé que par la fibrose kystique, ce qui n’était pas le cas il n’y a pas si longtemps. En mai 2008, les médecins ont découvert une masse sur mon foie, une forme de cancer appelée hépatocarcinome. Cette masse a été retirée rapidement par la résection (retrait) de la moitié de mon foie. Durant la rémission, je devais évidemment avoir de fréquents suivis avec les médecins ainsi que passer des tests d’imagerie par résonnance magnétique (IRM), des échographies doppler du foie et des prises de sang afin de vérifier les marqueurs alpha.
En 2012, alors que j’avais retrouvé une vie normale après cet épisode, les médecins ont remarqué que ces marqueurs avaient subitement augmenté, ce qui pouvait présager une récidive. Les échographies et les IRM ont confirmé la présence d’une nouvelle masse. Je craignais que ce soit une récidive de la maladie vécue quatre années plus tôt. Après consultation avec des spécialistes de l’hôpital Saint-Luc à Montréal, on m’apprit que c’était cette fois un autre type de cancer qui m’affligeait, un cholangiocarcinome. Quelle chance… Cette fois, on a opté pour la résection par thermoablation, une technique qui consiste à brûler la masse sous anesthésie locale. Il s’agit une procédure douloureuse pendant laquelle je ne devais pas tousser, ce qui est assez difficile avec la fibrose kystique ! J’ai passé un moment très angoissant et stressant, mais heureusement, c’était plus de peur que de mal.
Durant les deux années suivantes, mon foie était en rémission et tout allait bien. Durant cette période, j’ai terminé mes études à Sherbrooke, pour ensuite déménagé à Montréal pour commencer à travailler. Par le fait même, j’ai changé de clinique. Deux nouvelles équipes m’attendaient au CHUM : l’une faisait le suivi de mon foie et l’autre, le suivi de la fibrose kystique.
En juillet, lors d’un rendez-vous de routine, une imagerie par résonnance magnétique indiqua qu’une nouvelle masse était apparue sur mon foie. J’ai alors vécu une vive déception et un moment d’angoisse. On m’expliqua qu’il y avait deux options : soit je subissais une deuxième fois la fameuse brûlure, soit on procédait à la résection d’une partie du foie. La seconde option était risquée, étant donné l’endroit où la masse était située et parce que mon foie est cirrhosé (tissus pas complètement sains) et rempli de cicatrices. Je devais y réfléchir et prendre une décision. Encore une fois, la décision fut prise de procéder avec la
thermoablation. Heureusement, la procédure se fait maintenant sous anesthésie générale, ce qui rend l’intervention beaucoup moins douloureuse qu’avant !
Afin de nous assurer que tout se passerait bien et que mon corps absorberait bien les antibiotiques nécessaires, il fut décidé de m’hospitaliser à l’Hôtel-Dieu de Montréal une semaine avant l’intervention. Ainsi, ma capacité pulmonaire serait à son meilleur pour supporter l’anesthésie. Je dois l’avouer, j’étais stressé et anxieux de subir encore une fois cette chirurgie. Quand le jour J arriva, une femme extraordinaire en qui j’ai grandement confiance, une infirmière de l’Hôtel-Dieu, m’a accompagné jusqu’à l’hôpital Saint-Luc, où allait se dérouler l’intervention. Elle fut présente tout au long de la procédure, même jusqu’au retour dans ma chambre.
Après l’intervention, j’ai rencontré mon hépatologue (médecin qui s’occupe de mon foie) qui m’a alors parlé de la possibilité de greffe hépatique. Oh la la ! Je n’étais pas enchanté et plutôt inquiet de ce qu’elle me disait. C’est en septembre 2015 que les discussions plus sérieuses ont débuté. On réétudia la biopsie de la dernière récidive, qui confirmait qu’il s’agissait finalement d’un hépatocarcinome, faisant ainsi de moi le parfait candidat pour obtenir la greffe.
Alors que je n’étais pas tout à fait prêt à affronter cette épreuve, ma famille m’a offert un soutien primordial. Dans ce genre de décision, c’est encourageant de savoir que nos proches sont là pour nous supporter. Au mois de décembre de la même année, j’ai officiellement pris la décision d’être sur la liste d’attente de transplantation du foie. Mais un stress de plus est
arrivé: comment allais-je expliquer le tout à mon patron ? À mes collègues ? Comment expliquer mes absences et mes retards fréquents ?
En janvier, alors que pour tous une nouvelle année remplie d’espoir débutait, c’était pour moi le début d’une interminable attente pour un grand changement. À mon inscription sur la liste d’attente, j’étais à la huitième place. J’étais très angoissé, car j’ai réalisé à cet instant que je devais absolument trouver le courage d’en parler avec mon patron. Heureusement, il m’a rassuré en me disant que la santé est importante et qu’ils allaient être très compréhensifs face à ma situation. En février, l’infirmière en pré-greffe m’appela pour m’informer que j’étais maintenant 3e sur la liste et que je pouvais être appelé à tout moment. À ce moment, les médecins se questionnaient également sur la possibilité d’une double greffe poumons-foie. J’ai alors rencontré l’équipe de transplantation pulmonaire pour examiner la possibilité d’avoir la double transplantation hépatique ET bipulmonaire. Cependant, le chirurgien thoracique m’a expliqué que mes tests de capacité pulmonaire étant assez bons, j’évitais donc la greffe de poumons, pour l’instant du moins !
Le 2 juillet 2016, alors que j’étais à Sherbrooke, le téléphone sonna : ça y était, le moment tant attendu était arrivé ! J’étais soulagé, en pensant que cette journée allait changer ma vie. Je me suis mis en route avec ma mère mais, après 15 minutes, on m’a rappelé : il s’agissait d’une fausse alerte. Le foie prélevé n’était pas de la bonne taille et l’opération était donc annulée. J’étais tellement déçu et fâché.
Je suis retourné à Montréal dans l’appartement que je partageais avec ma sœur. Le 4 juillet 2016, à 11 h 00, je recevais une fois de plus l’appel tant attendu. Cette fois, on m’avisa que j’avais jusqu’à 17h pour me rendre à l’hôpital. Contrairement au premier appel, j’ai pu prendre davantage mon temps, ce qui contribua à diminuer mon niveau de stress. J’ai pu appeler mes parents, qui se sont mis en route pour être à mes côtés. J’ai fait mes valises et j’ai laissé un mot sur Facebook pour informer mon entourage de la situation, puis je suis parti.
À mon arrivée, on m’a préparé pour la chirurgie. On m’a fait subir plusieurs tests : prises de sang, VEMS (Volume Expiratoire Maximal par Seconde), saturation, prise de la pression et puis on me donna des antibiotiques par intraveineuse. J’étais anxieux et content à la fois. J’essayais de relaxer, mais c’était impossible. Au moment de mon arrivée au bloc opératoire, j’ai regardé tout autour de moi et j’ai trouvé la salle très impressionnante. L’infirmière qui m’a pris en charge s’est empressé de me donner un relaxant afin que je sois moins nerveux, puis après un moment, je me suis endormi. La greffe s’est très bien déroulée et, à ma grande surprise, en moins de temps que nécessaire. Alors qu’on compte normalement de 4 à 6 heures pour ce type de chirurgie, l’intervention a été faite en 2 h 30. Quand je me suis réveillé, j’étais entouré de mes parents et de ma sœur. Quelques heures plus tard, j’étais extubé. La première nuit fut pénible à cause d’un mal de dos, de la toux, de cauchemars dus à la morphine, de l’épuisement et de l’angoisse d’une possible complication. Après une semaine aux soins intensifs, on m’a déménagé à l’étage de soins en chirurgie hépatobiliaire. Peu de temps après, j’ai commencé à me lever et à marcher. J’étais content de voir ce progrès et d’avoir le soutien de ma famille. Je remercie sincèrement tous les membres de la formidable équipe de l’étage de soins hépatobiliaire, qui ont fait preuve de toutes leurs
qualités techniques et d’écoute pour me prodiguer les
soins les plus professionnels possibles. Ce sont des équipes comme la vôtre qui nous rendent fiers de nos hôpitaux.
Évidemment, lorsqu’on reçoit une transplantation d’organe, on doit commencer une nouvelle médication pour éviter le rejet. Il y a plusieurs changements à gérer. Par exemple, on ne doit pas manger 1 h avant et 2 h après la prise des médicaments et ils doivent être pris à des heures très précises. Avec l’ajout de ces derniers, mes niveaux de glycémie ont augmenté significativement, ce qui m’a obligé à faire ce qui était tout nouveau pour moi, m’injecter de l’insuline. M’imaginer devoir faire tout ça à la maison m’angoissait et me
décourageait.
Deux semaines après l’opération, les médecins ont décidé de cesser la pompe à morphine pour passer aux injections sous cutanées. J’ai commencé à être de plus en plus actif. Je faisais des sorties pour aller chez moi et apprendre à gérer par moi-même la nouvelle médication. Le calendrier et plusieurs alarmes sont des alliés pour ne rien oublier ! Après un mois, on cessa aussi les injections pour passer aux comprimés de dilaudid, me faisant vivre une légère dépression à cause du sevrage de la morphine.
C’est donc à la mi-août que j’ai obtenu mon congé de l’hôpital. J’ai passé ma convalescence à la maison avec ma sœur, qui m’a beaucoup aidé. Il restait plusieurs rendez-vous de suivi avec le médecin et des prises de sang à chaque semaine pour ajuster les doses d’anti-rejet, mais j’étais enfin chez moi. C’est toujours sur le « high » du dilaudid et de la cortisone que j’ai poursuivi mon rétablissement ! Je dois souligner mon bonheur de ne pas avoir eu le visage enflé par la cortisone, comme c’est parfois le cas. Le médecin a signé mon retour progressif au travail pour la fin du mois de janvier, soit six mois après la greffe. Dans l’attente, j’ai beaucoup lu et marché, regardé Netflix énormément et j’ai décidé de m’embarquer dans un projet d’achat de triplex avec mon colocataire.
Le retour au travail arriva au début de l’année suivante. Mes collègues et moi étions très heureux de nous revoir ! Comme c’était un retour progressif, j’étais en congé 3 jours par semaine, ce qui me permettait de me reposer et de m’habituer à la routine du travail.
Au moment d’écrire ce témoignage, en décembre 2017, tout va bien. Malgré toutes les craintes, les épisodes de douleur, de découragement, de joie, de toutes sortes d’émotions mélangées, je n’ai eu aucune complication jusqu’à maintenant. La médication est stable et j’ai recommencé mes activités normales. Je suis content car la transplantation de ce nouveau foie m’évitera bien des problèmes dans le futur. Je vis encore avec les hauts et les bas de la fibrose kystique, mais être greffé du foie n’augmente pas les risques liés à la maladie. Bien sûr, comme je suis maintenant immunosupprimé, je dois prendre assidûment ma médication et être encore plus vigilant dans mon alimentation, tout en étant vigilant avec les sources de bactéries potentielles afin d’éviter les infections et les complications.
J’en profite pour remercier de tout cœur la famille de mon donneur. Sans leur générosité, aujourd’hui ma vie ne serait pas la même.
Miguel Moisan-Poisson
Montréal (Québec) CanadaHomme