Entrevue avec Valérie Jomphe, nutritionniste
Clinique de transplantation de l’hôpital Notre-Dame de Montréal (CHUM)
Par Tomy-Richard Leboeuf McGregor
À l’occasion du 40e Congrès européen de la fibrose kystique qui se tenait à Séville en juin, les nutritionnistes Valérie Jomphe (clinique de transplantation de l’hôpital Notre-Dame) et Marjolaine Mailhot (clinique de fibrose kystique de l’Hôtel-Dieu) présentaient les surprenants résultats d’une étude effectuée récemment sur une cohorte de personnes greffées. Pour en savoir plus, nous y avons rencontré Valérie Jomphe dans le cadre d’une entrevue express.
Bonjour Valérie ! depuis quand êtes-vous nutritionniste à la clinique de transplantation du cHUM et pourquoi participez-vous à ce 40e congrès européen de la fibrose kystique?
C’est ma 15e année comme nutritionniste au sein du Programme de transplantation pulmonaire au CHUM. Je suis présente à ce congrès afin d’y présenter les résultats d’une étude qui évaluait l’impact de l’IMC pré-greffe sur les résultats post-transplantation à court terme chez les patients FK greffés pulmonaire au CHUM.
Quels ont été les résultats de l’étude et est-ce qu’ils vous ont surpris?
Nous avons rétrospectivement révisé les dossiers des 161 patients FK greffés pulmonaire au CHUM de 1999-2015 et comparé la durée de ventilation mécanique, la durée de séjour aux soins intensifs et la durée de séjour à l’hôpital. Afin de compléter la recherche, nous avons aussi regardé la mortalité et les complications post-opératoires en fonction des catégories d’IMC :
- groupe 1 : IMC < 18.5
- groupe 2 : IMC 18.5-21.9 (femme) et 18.5-22.9 (homme)
- groupe 3 : IMC ≥ 22 (femme) et ≥ 23 (homme).
La mortalité intra-hospitalière était de 4.8% pour le groupe 1 et 4.4% pour le groupe 2 tandis qu’aucun décès n’a été observé dans le groupe 3. Ces différences n’ont pas été statistiquement significative tout comme les différences de complications, de durée de ventilation mécanique et de séjour aux soins intensifs et à l’hôpital. Nous avons ensuite comparé les résultats de la greffe chez les patients ayant reçu un soutien nutritionnel invasif (nutrition par tube ou par intraveineuse) en pré-greffe à ceux qui n’y ont pas eu recours. Les différences se sont avérées non significative sauf une tendance à avoir davantage de complications chirurgicales pour le groupe de patients n’ayant pas reçu de soutien nutritionnel invasif en pré-greffe. Ces résultats suggèrent que l’IMC pré-greffe ou le fait d’avoir un soutien nutritionnel invasif n’est pas un déterminant significatif sur les résultats post-greffe à court terme dans notre cohorte de greffés pulmonaires FK.
Quel a été l’accueil de vos résultats et croyez-vous que cette étude changera les façons de faire en greffe pulmonaire?
Nos résultats ont été bien accueillis. Ils ont suscité un questionnement quant à l’indication précoce ou tardive d’un soutien nutritionnel invasif pour les patients FK candidats à la greffe. Ces résultats doivent toutefois être interprétés avec prudence et nuance. Cette étude ne remet pas en question les cibles d’IMC >22 (femme) et >23 (homme) recommandées qui sont associées à de meilleures fonctions pulmonaires. Cependant, au stade terminal de la maladie pulmonaire, ces cibles se sont avérées non associées à de meilleurs résultats pour l’après-transplantation. Quant à la sélection d’une modalité pour soutenir l’état nutritionnel jusqu’à la greffe, lorsque indiquée, celle-ci doit être évaluée en prenant en considération non seulement l’IMC, mais le statut nutritionnel global du patient et son évolution. Il faut aussi tenir compte des risques et des bénéfices de chaque modalité proposée et bien sûr, impliquer le patient dans la prise de décision. Naturellement, d’autres études sont requises afin de mieux définir les recommandations nutritionnelles pour les patients FK candidats à la transplantation pulmonaire.
En terminant, qu’est-ce qui change dans la nutrition des personnes FK après une transplantation?
La transplantation pulmonaire ne guérit pas la FK. La prise d’enzymes pancréatiques et de vitamines doit être maintenue suite à la greffe bien que des ajustements de doses soient parfois requis. Les besoins caloriques sont généralement moindres à cause d’une diminution de la demande énergétique induite par la correction de l’insuffisance respiratoire terminale. De nombreux effets secondaires sont associés à la prise des médicaments immunosuppresseurs pour lesquels la nutrition constitue un facteur déterminant dans le traitement ou la prévention de certaines conditions comme le diabète, l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, l’ostéoporose ou l’insuffisance rénale. Selon l’état nutritionnel de base et la condition globale de chaque patient, un plan de traitement nutritionnel est parfois requis, ce qui implique des changements dans les habitudes alimentaires. Globalement, la saine alimentation est préconisée après la greffe.
Merci Valérie!