Sources : Essential oils against bacterial isolates from cystic fibrosis patients by means of antimicrobial and unsupervised machine learning approaches. Sci Rep 10, 2653 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-59553-8
Article complet et illustrations disponible dans le SVB 2020
Les infections récurrentes et chroniques des voies respiratoires chez les patients atteints de fibrose kystique (FK) entraînent des lésions pulmonaires progressives et représentent la principale cause de morbidité et de mortalité. Le Staphylococcus aureus (S. aureus) est l’une des bactéries qui causent les infections les plus précoces chez les nourrissons et les enfants atteints de FK. Elle apparaît dès le début de l’adolescence. Les patients sont dès lors chroniquement infectés
par des bactéries à Gram négatif non fermentescible. Pseudomonas aeruginosa (P. aeruginosa) est la plus importante et la plus récurrente. L’utilisation intensive de médicaments antimicrobiens pour lutter contre les infections pulmonaires conduit inévitablement à l’apparition de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques. De nouveaux composés antimicrobiens devraient être identifiés pour surmonter la résistance aux antibiotiques chez ces patients.
Des données intéressantes ont récemment été rapportées dans la littérature sur l’utilisation de composés d’origine naturelle qui ont inhibé in vitro la croissance bactérienne de S. aureus et P. aeruginosa. Parmi ceux-ci, les huiles essentielles semblaient être les plus prometteuses. Dans ce travail est rapportée une étude approfondie sur 61 huiles essentielles (HE) contre un panel de 40 souches cliniques isolées provenant de patients atteints de FK.
Pour réduire la procédure in vitro et rendre l’étude aussi convergente que possible, des algorithmes de clusterisation par apprentissage automatique ont d’abord été appliqués pour sélectionner un nombre réduit de souches représentatives parmi le panel de 40. Cette approche nous a permis d’identifier facilement trois HE capables d’inhiber fortement la croissance bactérienne de toutes les souches bactériennes. Il est intéressant de noter que l’activité antibactérienne des HE n’est absolument pas liée au profil de résistance aux antibiotiques de chaque souche. Compte tenu des résultats obtenus, une utilisation clinique des HE pourrait être suggérée.
La fibrose kystique (FK), l’une des maladies génétiques mortelles les plus courantes dans la population caucasienne, est une maladie autosomique récessive qui touche 70 000 personnes dans le monde (Fibrose kystique Canada). Le gène défectueux, identifié en 1989, est le régulateur de conduite transmembranaire de la fibrose kystique (CFTR) qui est porté par 4 % des personnes (parmi les personnes caucasiennes). Comme le CFTR code pour un canal de chlorure de la surface des cellules épithéliales, les patients atteints de FK manifestent divers problèmes multi organes causés par l’altération de la sécrétion de sodium et de chlorure à travers les membranes cellulaires et par la déshydratation luminale qui en résulte. L’altération de la clairance mucociliaire, qui devrait éliminer tous les microbes pénétrant dans les voies respiratoires, entraîne la production d’un mucus épais et déshydraté dans le poumon des personnes atteintes de FK, ce qui favorise la colonisation bactérienne chronique des voies respiratoires.
La microbiologie des voies respiratoires de la FK est particulière. Au stade précoce de la vie, elle se caractérise par la présence de la bactérie Gram positif Staphylococcus aureus (S. aureus). Dans l’ensemble, en 2017, plus de la moitié des personnes atteintes avaient au moins une culture positive pour le S. aureus sensible à la méthicilline (MSSA). La prévalence la plus élevée de S. aureus résistant à la méthicilline (SARM) se produit chez les individus âgés de 10 à 30 ans, tandis que le SARM atteint son maximum chez les patients de moins de 10 ans (Cystic Fibrosis Foundation, 2017. Registre
des patients annuel Data Report. (https://www.cff.org/Research/Researcher-Resources/Patient-Registry/2017- Patient-Registry-Annual-Data-Report.pdf).
Au début de l’adolescence, les poumons des patients atteints de FK sont chroniquement infectés par des bactéries à Gram négatif non fermenté. Parmi cellesci, Pseudomonas aeruginosa (P. aeruginosa) est la plus importante et la plus récurrente, de sorte que 30 % des enfants atteints de FK et jusqu’à 80 % des adultes FK (25 ans et plus) ont des poumons chroniquement colonisés par cet agent pathogène. P. aeruginosa isolé des sécrétions respiratoires présente une grande diversité phénotypique et développe des mutations génétiques au fil du temps pour s’adapter et survivre dans l’environnement complexe des voies respiratoires de la personne atteinte de la FK. Le phénotype mucoïde de P. aeruginosa, défini par la surproduction d’alginate exopolysaccharidique dans les poumons des patients atteints de FK, est une caractéristique de l’infection chronique et prédictive d’un mauvais pronostic. En effet, P. aeruginosa mucoïde a également été associé à un échec de l’éradication et, comparé à son homologue non mucoïde, il présente une résistance accrue à de multiples antibiotiques et aux effecteurs immunitaires de l’hôte.
Grâce aux traitements actuels, l’espérance de vie des patients atteints de FK n’a cessé de croître, atteignant une durée de vie moyenne de 40 ans. En supposant une tendance positive de l’amélioration des soins cliniques qui suivrait son rythme actuel, les patients atteints de FK nés en 2010 devraient vivre jusqu’à 50 ans.
L’utilisation intensive de médicaments antimicrobiens pour lutter contre les infections pulmonaires entraîne inévitablement l’apparition de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques. De nouveaux composés antimicrobiens doivent être identifiés pour surmonter la résistance aux antibiotiques pendant le traitement des infections pulmonaires causées par la FK.
Des recherches récentes ont révélé que quelques petites molécules, telles que des peptides ou des mannosides, ont montré une efficacité prometteuse dans la prévention et le traitement des infections in vivo par des biofilms bactériens et fongiques. Néanmoins, en raison de leur mécanisme d’action basé sur une liaison spécifique à une cible principale, on sait que l’utilisation de petites molécules permet de sélectionner des souches de plus en plus résistantes. Il est intéressant de noter que, dans la littérature récente, certains rapports sur l’utilisation de composés dérivés naturels ont montré in vitro la possibilité d’inhiber le développement d’infections associées à la FK. Les huiles essentielles, en particulier, semblaient être les agents les plus prometteurs parmi les composés naturels testés.
Cette analyse fait état d’une étude approfondie portant sur 61 huiles essentielles (HE) contre un panel de 40 souches bactériennes isolées chez des patients atteints de FK.
Afin de réduire la procédure in vitro et de rendre l’enquête aussi convergente que possible, le flux de travail suivant a été emprunté. Des algorithmes et des techniques d’apprentissage automatique non supervisés, tels qu’ils ont été mis en oeuvre dans Python language, ont d’abord été appliqués pour prélever un nombre plus restreint de souches représentatives (RS) parmi les 40 faisant partie du panel. À cette fin, un certain nombre de descripteurs catégoriels ont été recueillis et utilisés pour regrouper les souches isolées de FK. Les centroïdes du cluster ont indiqué les RS à étudier pour leur sensibilité à une liste d’HE commerciales à doses fixes. Trois HE ont montré une grande efficacité pour réduire la croissance des microorganismes et ont donc été rapidement testées contre tous les isolats cliniques disponibles. Les trois HE ont confirmé l’hypothèse initiale démontrant leur capacité à inhiber la croissance bactérienne. La chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) a ensuite été réalisée sur les trois HE afin d’étudier les composants chimiques les plus probables d’être les principaux responsables de l’activité antibactérienne.
Discussion
Il a été démontré que l’administration à long terme d’antibiotiques pour prévenir et traiter les infections des voies respiratoires chez les patients atteints de FK est associée à l’émergence de micro-organismes résistants aux antimicrobiens multi médicaments (MDR).
En particulier, l’acquisition des gènes mecA/mecC chez S. aureus et l’accumulation des mécanismes de résistance après exposition aux antibiotiques chez P. aeruginosa, deux pathogènes clés du poumon des personnes atteintes de la FK, qui sont préoccupants dans ce contexte.
La multirésistance aux médicaments limite considérablement les options thérapeutiques efficaces, ce qui affecte les résultats cliniques et le pronostic des patients. C’est pourquoi l’identification et le développement de nouveaux agents antibactériens sont fondamentaux pour améliorer la survie et la qualité de vie des personnes atteintes de FK. Il est donc souhaitable de mettre au point des agents antimicrobiens dotés de nouveaux mécanismes moléculaires qui pourraient permettre de lutter contre les maladies infectieuses bactériennes sans diffuser la résistance aux antibactériens.
Des algorithmes d’apprentissage automatique non supervisés appliqués à un panel de 40 souches de S. aureus et P. aeruginosa isolées provenant de patients atteints de FK ont permis de sélectionner un nombre plus restreint de souches représentatives en utilisant les caractéristiques phénotypiques et génotypiques comme descripteurs catégoriels. Par conséquent, l’activité antibactérienne de toutes les HE testées a été évaluée initialement sur neuf souches bactériennes
sélectionnées : six souches représentatives de P. aeruginosa et trois souches représentatives de S. aureus.
L’activité des 61 HE a également été évaluée sur des souches de référence. Les tests antimicrobiens ont permis d’identifier 3 HE (CEO, BEO et CCPEO) sur les 61 testées, qui ont présenté une plus forte activité antibactérienne sur les souches bactériennes sélectionnées précédemment et sur les souches de référence. L’activité antibactérienne des 3 HE sélectionnées a ensuite été étendue à toutes les souches des deux espèces. Il est intéressant de noter que les trois HE ont montré un pouvoir antimicrobien maximal sur toutes les souches étudiées. Rien ne peut encore être exclu quant au rôle des composés chimiques. De futures études impliquant l’application de l’apprentissage machine, seront consacrées à l’analyse de l’importance du constituant chimique soit sur la modulation du biofilm, soit dans les pouvoirs antibactériens.
Plusieurs documents ont été rédigés afin d’élucider le mécanisme d’action antimicrobienne des HE. Par exemple, le Cinna aldéhyde, le principal composant de la cannelle, est capable de perturber le potentiel transmembranaire de P. aeruginosa.
En outre, des HE de différentes origines (lavande, citronnelle, marjolaine, menthe poivrée, tea tree et bois de rose) montrent une activité antimicrobienne contre le complexe Burkholderia cepacia en induisant des changements dans la composition des acides gras de la membrane, suivis d’une rupture de la membrane. En outre, l’oxyde d’éthylène d’Alluaudia procera a été actif contre S. aureus ATCC25923, une souche multirésistante.
Les données rapportées ont confirmé la possibilité d’utiliser les HE comme stratégies thérapeutiques dans les souches multirésistantes, probablement en raison de la composition hétérogène des huiles elles-mêmes.
Lors de ce travail, nous avons notamment trouvé une activité antibactérienne des HE sans rapport avec le profil de résistance aux antibiotiques de chaque souche. Cette observation est particulièrement pertinente, car elle suggère l’utilisations potentielle des HE par administration topique en tenant compte de la complexité du profil de résistance aux médicaments du microbiote chez chaque patient.
En conclusion, l’approche appliquée ici a permis de réduire les étapes expérimentales et il a été possible d’identifier les HE les plus prometteuses sur la base d’évaluations probabilistes qui ont confirmé leur large spectre de puissance antibactérienne avec un ensemble réduit d’expériences.
D’après une enquête bibliographique (www.scopus.com), consulté le 13 décembre 2019, mots clés : huile
essentielle, activité antibactérienne et résistance), aucune preuve de résistance à l’activité antibactérienne des HE n’a encore été signalée. Il s’agit d’une caractéristique particulièrement importante pour les candidats antibactériens à administrer dans le cas d’une maladie chronique telle que la FK.
En effet, certains articles font état d’une augmentation de la sensibilité aux antibiotiques après un traitement
aux huiles essentielles.
Bien qu’une pléthore de publications n’ait pas montré le développement de la résistance aux HE, une publication très récente a suggéré l’induction de pompes d’efflux et la multirésistance aux médicaments chez P. aeruginosa par le Cinna aldéhyde, le principal composant de la cannelle. Par conséquent, à la lumière des récents rapports, il reste beaucoup de points à clarifier sur l’effet des huiles essentielles sur la multirésistance des bactéries aux médicaments.
Note aux lecteurs :
nous vous conseillons de vous renseigner auprès de votre professionnel de santé avant d’entreprendre une quelconque démarche.