Par Helen Oxley
Consultante et psychologue clinicienne
Clinique de fibrose kystique l’Hôpital Wythenshawe (Angleterre)
Extrait du SVB 2010
Je travaille à titre de psychologue clinicienne auprès d’adultes fibro-kystiques du Royaume-Uni depuis de nombreuses années. Dans le cadre de mon travail, il m’arrive souvent d’être impressionnée par la façon dont les patients fibro-kystiques s’adaptent à tous les événements de la vie. Mais je rencontre aussi fréquemment des patients qui se sentent, du moins temporairement, dépassés par les difficultés qui se présentent à eux. Au fil des ans, j’ai été amenée à aider plusieurs patients à composer avec l’hémoptysie (de même qu’avec d’autres événements médicaux stressants). Je suis donc heureuse de partager mes réflexions à ce sujet et de vous faire part de quelques idées pour vous aider à surmonter la situation, si l’hémoptysie constitue un problème pour vous ou votre famille. Comme mon expérience porte sur les adultes fibrokystiques, cet article est rédigé principalement en tenant compte de cette clientèle. J’espère toutefois que ces quelques réflexions seront également utiles aux parents et aux membres de la famille de personnes fibro-kystiques, et pourront les aider à surmonter cette situation, de même que d’autres problèmes qui y sont associés.
Contexte Grâce aux avancées réalisées dans le domaine des traitements médicaux et de la prestation de soins multidisciplinaires efficaces, le taux de survie des personnes atteintes de fibrose kystique ne cesse de s’améliorer. De maladie infantile mortelle qu’elle était, dont peu de patients survivaient au-delà de l’enfance, la fibrose kystique présente désormais le visage d’une affection complexe touchant plusieurs systèmes, et nécessitant une prise en charge jusqu’à un âge avancé de la vie adulte. Aujourd’hui, dans de nombreux pays, la majorité des personnes fibro-kystiques sont adultes. Par exemple, en 2003, 50,8 % des patients fibro-kystiques au Royaume-Uni étaient âgés de plus de 16 ans. Ces changements très encourageants signifient qu’un nombre considérable de personnes fibro-kystiques profitent désormais, pendant de nombreuses années, d’une meilleure santé et d’une meilleure qualité de vie. Ils sont ainsi en mesure de réaliser les objectifs habituels de la vie adulte, autrefois hors de leur atteinte. Cependant, ces améliorations se trouvent également accompagnées de difficultés supplémentaires pour ceux qui tentent d’atteindre un juste équilibre entre, d’un côté, la prise en charge d’une affection complexe dont les traitements demandent beaucoup de temps et, de l’autre, les exigences de la « vie ordinaire ».
Cette amélioration du taux de survie a également pour conséquence une augmentation de l’incidence des « complications » de la fibrose kystique, telles que l’hémoptysie, qui peut avoir des répercussions importantes sur la vie quotidienne. De plus en plus d’adultes fibro-kystiques se trouvent donc devant la nécessité de découvrir des façons de composer avec cette complication susceptible d’engendrer du stress, afin qu’elle nuise le moins possible à leur qualité de vie. Règle générale, on retrouve un psychologue au sein des équipes soignantes des cliniques de fibrose kystique. Le travail de celui-ci consiste à aider les patients à adopter les meilleures stratégies possibles afin de pouvoir surmonter toutes les difficultés que présente la fibrose kystique, notamment des événements de nature médicale tels que l’hémoptysie. Qu’est-ce que l’hémoptysie?
« Hémoptysie » est le terme médical qui désigne le rejet par la bouche de sang provenant des voies respiratoires. On qualifie habituellement l’hémoptysie de légère, modérée ou grave. Dans le cas de la fibrose kystique, plusieurs causes peuvent concourir à un tel saignement des poumons, notamment l’infection chronique, des dommages aux vaisseaux sanguins et une déficience en vitamines. L’hémoptysie légère ou mineure (présence de filets de sang dans le crachat) est courante en fibrose kystique. En fait, elle aurait été signalée chez plus de 60 % des patients fibro-kystiques âgés de plus de 18 ans. l’hémoptysie modérée se définit, quant à elle, par une quantité de sang plus importante que des filets dans le crachat, mais représentant moins de 250 ml en 24 heures, alors que l’hémoptysie grave ou majeure désigne un saignement plus sérieux, c’est-à-dire une quantité de sang de plus de 250 ml en 24 heures, ou de 100 ml par jour pendant une période de trois à sept jours. L’hémoptysie majeure est rarement observée chez les enfants de moins de dix ans. On la retrouve plutôt chez les patients plus âgés et dont l’atteinte de fibrose kystique est plus grave, soit chez environ 7 % des patients plus âgés.
L’équipe soignante de votre clinique de fibrose kystique est en mesure de vous prodiguer les conseils nécessaires pour la prise en charge de l’hémoptysie, conseils qui peuvent varier d’une clinique à l’autre. Même si on considère souvent que l’hémoptysie légère n’exige pas de traitement, il est toutefois essentiel d’en informer l’équipe de la clinique. Quant aux cas d’hémoptysie modérée ou grave, ils risquent de nécessiter l’admission du patient à l’hôpital, parfois même à l’urgence. En plus des traitements médicamenteux, on recommande souvent aux patients de boire de l’eau glacée ou de sucer des cubes de glace, afin de favoriser la constriction des vaisseaux sanguins et de réduire ou de stopper l’hémorragie. Dans le cas de saignements graves, il est possible que l’on procède à un examen plus approfondi et, si nécessaire, à une embolisation bronchique, procédure consistant à obstruer un vaisseau sanguin afin de mettre fin à l’hémorragie.
Bref, il est possible que l’hémoptysie légère touche de nombreux patients fibro-kystiques, et certains patients (généralement des adultes plus âgés souffrant de problèmes pulmonaires plus graves) présenteront des problèmes plus sérieux d’hémoptysie. Il va de soi que des saignements provenant des voies respiratoires, quelle qu’en soit la gravité, peuvent se révéler une expérience troublante, voire terrifiante. Bien que nous ne disposions pas de données de recherches portant sur les effets psychologiques de l’hémoptysie, il nous semble évident que, du moins pour certains patients, il s’agit d’un événement parfois difficile à surmonter.
Effets psychologiques possibles de l’hémoptysie Pour certains, l’hémoptysie représentera simplement un inconvénient ou un tracas avec lequel ils devront composer, tracas qui s’ajoute aux autres difficultés que présente la fibrose kystique. Mais pour d’autres, le fait de traverser un épisode d’hémoptysie pourra s’avérer un événement traumatisant. Enfin, pour quelques-uns, l’expérience pourra être très difficile à surmonter et nuire considérablement à leur qualité de vie. Les effets psychologiques de l’hémoptysie ne dépendront pas uniquement de la gravité de l’hémorragie, mais également de nombreux autres facteurs, dont :
• La signification que revêt cet événement aux yeux de la personne (par exemple, pour sa santé future);
• Les autres événements en cours dans sa vie (vit-elle d’autres stress ou préoccupations en même temps?);
• La réaction de son entourage;
• Sa personnalité (par exemple, la personne est-elle du genre à s’inquiéter pour un rien ou, au contraire, à ne pas se laisser arrêter par les problèmes?).
Par conséquent, certaines personnes trouveront plus difficile que d’autres de composer avec l’hémoptysie. Quelle que soit la situation de la personne, si l’hémoptysie constitue un stress permanent ou si elle a représenté un événement traumatisant, il est tout à fait normal qu’elle soit accompagnée de réactions émotionnelles; notre corps et notre esprit sont conçus pour réagir ainsi.
De nombreux événements stressants ou traumatisants – de nature médicale ou non – peuvent provoquer des réactions similaires. Ces réactions peuvent comprendre :
• Des sentiments de peur, de panique, d’anxiété ou de perpétuelle inquiétude;
• Des symptômes physiques de stress ou d’anxiété, tels que tension, palpitations, difficultés respiratoires, vertiges, « papillons dans l’estomac », etc.;
• Le désir d’éviter les situations problématiques et de rester dans sa zone de confort;
• De l’irritabilité et des sautes d’humeur;
• Une difficulté à se concentrer ou des trous de mémoire;
• Des cauchemars ou des pensées/images non désirées relatives aux événements traumatiques; • De la difficulté à dormir ou à se détendre;
• Une hypervigilance à l’égard du danger (par exemple, la personne procède à des vérifications fréquentes pour s’assurer qu’elle ne présente pas de symptômes d’hémoptysie ou d’un autre problème de santé);
• Le sentiment que la fibrose kystique « prend le dessus » ou qu’elle ne peut plus être ignorée;
• Un sentiment de gêne, d’embarras ou d’inquiétude à l’égard de la réaction des autres à l’hémoptysie.
Toutes les réactions décrites ci-dessus constituent des réponses normales au stress et des réactions compréhensibles devant des épreuves difficiles. Néanmoins, le fait que la personne concernée ne reconnaisse pas ces signes de stress pourrait entraîner d’autres difficultés; par exemple, si elle interprète les symptômes du stress comme le signe d’une détérioration de son état physique, son anxiété s’aggravera. Un cercle vicieux d’anxiété peut ainsi se créer au fil du temps et entraîner d’importantes répercussions sur la vie du patient.
Il arrive parfois qu’à la suite d’une expérience particulièrement difficile d’hémoptysie apparaissent des symptômes de stress post-traumatique. Pouvant prendre la forme de rappels d’images ou de cauchemars au sujet de l’événement, ces symptômes occasionnent un degré élevé d’anxiété et une perturbation de la vie normale. Les stress et les inquiétudes à répétition causés par l’hémoptysie, particulièrement si la personne vit d’autres problèmes au même moment, pourraient également entraîner un épisode de dépression, caractérisé par des changements d’humeur, une perte d’intérêt et de motivation, de même qu’un retrait social.
Les réactions émotives face à l’hémoptysie peuvent donc revêtir plusieurs aspects. Ces réactions, que l’on peut observer chez quiconque, pourraient toutefois provoquer des problèmes supplémentaires chez les personnes fibro-kystiques. En effet, si un patient serait avisé d’éviter, sur recommandation de son médecin, les activités pouvant provoquer l’hémoptysie, cette précaution pourrait toutefois nuire à sa santé s’il la poussait trop loin, c’est-à-dire s’il évitait toute activité et ne sortait jamais. Certaines personnes trouveront peut-être que leur vie se voit grandement limitée par la peur d’une autre hémorragie, ce qui risque d’affecter leur humeur et leurs relations sociales. De toute évidence, la ligne est mince entre prendre bien soin de soi après avoir vécu une expérience d’hémoptysie et continuer le plus possible à mener une vie normale. C’est cette difficulté à trouver le juste équilibre que semblent souvent vivre les personnes fibro-kystiques.
Malgré tout ce que nous venons de mentionner, pour de nombreuses personnes, l’hémoptysie n’engendrera qu’un impact minimal sur leur qualité de vie et aucune réaction émotionnelle majeure.
Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réactions. Cependant, si une personne éprouve de la difficulté à vivre l’expérience de l’hémoptysie, plusieurs trucs pourront faciliter son adaptation à ce stress particulier.
Composer avec l’hémoptysie Les techniques visant à composer avec l’hémoptysie, de même qu’avec tout autre symptôme médical ou stress difficile à surmonter, peuvent se révéler très utiles. À mon avis, ces techniques devraient être enseignées à tout le monde à l’école, mais il est peu probable que ça se produise un jour! Les conseils suivants peuvent également s’avérer utiles pour surmonter tout événement stressant, qu’il soit ou non lié à la fibrose kystique.
• Si vous êtes le genre de personnes qui aiment être bien informées (ce qui n’est pas le cas de tout le monde), le fait d’obtenir plus d’information peut vous aider. Des explications claires au sujet de l’hémoptysie prodiguées par votre équipe soignante de la clinique de fibrose kystique vous permettront peut-être de vous sentir un peu plus en maîtrise de la situation ou, à tout le moins, vous donneront l’impression de connaître ce à quoi vous devez faire face.
• D’autres personnes se sentiront mieux en évitant toute information détaillée. Tentez d’en savoir plus ou moins, selon ce qui vous convient le mieux.
• Le fait de disposer d’un plan détaillé de prise en charge de l’hémoptysie aidera de nombreuses personnes à surmonter cette épreuve. Un tel plan par écrit, comprenant une explication de la situation et des conseils pour l’entourage, a permis à certaines personnes fibro-kystiques ayant déjà vécu des épisodes d’hémoptysie en public de se sentir plus en confiance pour sortir.
• Allez chercher du soutien et partagez vos inquiétudes, si ça vous aide. Parlez de ce que vous ressentez à un membre de la clinique de fibrose kystique; il se sera déjà trouvé devant une telle situation et sera peut-être en meilleure position pour vous offrir du soutien que les membres de votre famille, qui peuvent avoir à votre sujet des inquiétudes qui leur sont propres. Partager ces expériences avec d’autres personnes fibro-kystiques sur des forums de discussion en ligne ou autres peut également être d’un grand soutien pour certains.
• Essayez de faire contrepoids aux plus grands stress que vous vivez en ajoutant, chaque fois que vous le pouvez, des choses relaxantes ou agréables dans votre vie. Cette stratégie vous aidera à refaire le plein d’énergie et pourra rendre ces stress inévitables un peu plus faciles à gérer.
• Les techniques de relaxation peuvent être utiles. En les ayant apprises d’avance, vous pourrez facilement y avoir recours lorsqu’un événement stressant se produira. Il existe de nombreux disques qui enseignent les techniques de relaxation. Il est possible que votre équipe soignante puisse également vous accompagner dans cette démarche.
• L’apprentissage de techniques de gestion de l’anxiété peut permettre de mieux composer avec l’hémoptysie et faire en sorte que les sentiments de panique soient plus facilement maîtrisables. En plus des trucs pour relaxer le corps, des techniques permettant de déjouer les pensées angoissantes et tout autre comportement nuisible peuvent être d’une grande aide. Cette approche porte le nom de « thérapie cognitivocomportementale » et constitue le traitement de choix de l’anxiété au Royaume-Uni. Si vous avez besoin d’autres conseils sur la gestion de l’anxiété, demandez à votre équipe soignante de quelle façon en obtenir. Votre médecin pourra également vous remettre des dépliants portant sur la gestion du stress et de l’anxiété.
• Pensez à ce qui vous a aidé à traverser d’autres épreuves; de nombreuses personnes fibrokystiques semblent très résilientes et disposer d’une grande faculté d’adaptation, peut-être parce qu’elles ont eu plusieurs occasions de mettre en pratique cette faculté. Les stratégies qui vous ont aidé à surmonter d’autres difficultés pourraient également être utiles maintenant.
• Il arrive parfois qu’une nouvelle complication de la fibrose kystique soit ressentie comme un choc majeur et déclenche de nombreuses émotions et pensées au sujet de la fibrose kystique, de l’avenir et de la vie en général. Si c’est le cas, il peut s’avérer nécessaire de parler de ces émotions avec un psychologue, un conseiller, un travailleur social ou un autre membre de l’équipe soignante de la clinique de fibrose kystique.
Si l’hémoptysie ou d’autres problèmes personnels vous causent des troubles importants d’anxiété ou d’humeur, ou encore des symptômes de stress traumatique, vous pourriez avoir besoin d’obtenir de l’aide auprès d’un psychologue ou d’un autre thérapeute. Le fait de demander de l’aide ne signifie pas que vous êtes incapable de composer avec la situation; cela signifie simplement que des conseils supplémentaires vous aideraient à mieux surmonter cette nouvelle difficulté.
Conclusion
Pour certains, l’hémoptysie fera partie intégrante de leur vie d’adulte fibro-kystique, alors que pour d’autres, elle ne sera jamais un problème. Pour ceux qui font l’expérience de l’hémoptysie, il est possible qu’elle représente simplement un autre tracas de la vie quotidienne avec la maladie. Mais elle peut également se révéler une inquiétude majeure ayant des répercussions non seulement sur leur bien-être, mais également sur celui des personnes qui les entourent. Il est peut-être irréaliste de s’attendre à ce que l’hémoptysie ne cause aucun stress chez la personne atteinte, particulièrement si l’hémoptysie est grave ou s’accompagne de nombreux autres problèmes. Cependant, l’application de bonnes stratégies peut aider cette personne à affronter toute situation difficile et faire en sorte qu’un problème lui semble un peu plus facile à surmonter. Les personnes fibro-kystiques (et souvent les êtres qui leur sont chers) sont généralement soumises à des stress plus importants que ceux de la vie quotidienne, et elles s’en sortent très bien. Si vous avez l’impression que composer avec l’hémoptysie s’avère une épreuve trop grande à surmonter, n’ayez pas peur de demander de l’aide – vous n’êtes certainement pas seul dans cette situation.