Dr Danick Blanchet, D. Psy.,
psychologue clinicien
Sherbrooke (Québec)
Septembre 2021
ANXIÉTÉ
« J’ai toussé… est-ce un symptôme de ma maladie qui s’aggrave ou un simple rhume? Est-ce que ma situation commence à se dégrader ? Vais-je devoir envisager une greffe sous peu? Vais-je pouvoir être présent(e) pour mes enfants ? » sont toutes des questions qu’une personne atteint(e) de fibrose kystique peut se poser. Est-ce normal ? Tout à fait. C’est plutôt une bonne nouvelle! Se poser des questions sur votre avenir et tenter d’entrevoir les épreuves que vous allez rencontrer est d’abord et avant tout un signe d’intelligence. Cela permet une meilleure préparation et facilite la recherche de solution, soit la capacité d’anticipation. Elle fait référence à «prendre part à l’avance» et donne ainsi le moyen de réfléchir dès maintenant à ce qui n’est encore qu’une éventualité (Berta, 1999).
Alors, qu’est-ce qui distingue une bonne capacité d’anticipation et l’anxiété? L’anxiété génère la souffrance.
«… lorsque les symptômes cognitifs, physiques et comportementaux de l’anxiété sont persistants et sévères et que l’anxiété provoque une détresse qui nuit à la capacité de travailler ou d’étudier, de fréquenter des amis et d’accomplir les tâches quotidiennes, l’anxiété n’est plus dans les limites de la normale. » (Rector, Bourdeau, Kitchen, Joseph-Massiah, Laposa, 2005)
Autrement dit, soit vous avez quelques fois des pensées et des réflexions à ce sujet qui permettent d’envisager l’avenir et de trouver des solutions et c’est parfait; soit vous ne dormez plus la nuit, vous en pleurez chaque fois que vous y pensez, vous vous sentez terrifié(e) et il faut faire quelque chose, mais quoi ? Voici quelques pistes de solution qui peuvent s’avérer très efficaces pour vous aider à retrouver votre calme intérieur sans pour autant perdre votre capacité d’anticipation.
Vous vous posez d’excellentes questions !
Et vous ne savez pas à quel point il est important d’y répondre! Par exemple, la question mentionnée précédemment «est-ce un rhume ou un symptôme de la maladie? » pourrait se traduire par «à quelle évolution de ma condition dois-je m’attendre? ». Ne cherchez pas à vous dire « n’y pense pas » ou, dans d’autres cas, « ça n’arrivera pas ». Vous n’êtes pas assez stupide pour cela! Imaginez que l’on vous demande de mettre votre doigt dans une prise électrique, est-ce que vous vous poseriez la question «est-ce que je risque de m’électrocuter et de mourir ? » Vous trouveriez insensé de vous dire «n’y pense pas » ou « ça n’arrivera pas », non? L’anxiété amène d’excellentes questions qui méritent des réponses exhaustives. Plutôt que de vous concentrer sur le fait d’y penser ou non, canalisez votre énergie à trouver des réponses et/ou à trouver des stratégies à prendre pour les obtenir. On ne peut pas avoir réponse à tout dans la vie, surtout lorsque l’on pense à l’avenir, mais nous pouvons certainement diminuer l’incertitude et répondre à quelques interrogations que notre cerveau génère.
En parler
«Vais-je avoir besoin d’une greffe? » est encore une fois une excellente question. «N’y pense pas », une réponse insatisfaisante. L’anxiété prend souvent forme quand vous ne savez pas, quand vous n’obtenez pas de réponses à vos questions, quand vous ne savez pas où chercher les informations. Alors, la recherche de qui peut vous répondre est un exercice de réflexion qui sera beaucoup plus satisfaisant et constructif que de chercher à taire le questionnement. « J’ai besoin d’informations ! » est ce que vos neurones hurlent lorsque l’anxiété est envahissante. Osez demander aux gens qui possèdent l’expertise. Ne soyez pas gêné(e), aucune question n’est stupide et le soulagement qu’il en résultera en vaut la peine. Si vous avez des questions sur votre santé, parlez à votre médecin. Les associations peuvent également vous fournir de bonnes lunettes quant à ce que d’autres ont vécu dans des circonstances similaires aux vôtres.
Il est également important d’en parler à vos proches. Quelquefois, il suffit de parler de votre réflexion à voix haute pour entrevoir une piste de réflexion que vous n’avez pas lorsque vous y réfléchissiez seul(e). Vous craignez d’avoir l’air fou? Alors, commencez votre phrase par « je sais que ça a l’air un peu fou, mais, quelquefois, j’imagine que…» Vous allez sûrement découvrir que votre réflexion n’est pas si « folle» et que d’autres ont eu les mêmes pensées que vous…
Au 21e siècle, la majorité d’entre vous cherche des réponses à vos questions sur les sites Web ou sur les réseaux sociaux. Loin de moi l’idée de débattre ici du concept de l’information, je pense, toutefois qu’il faut demeurer critique sur les informations véhiculées sur internet. D’ailleurs, effectuer des recherches sur internet peut créer une situation anxiogène plus grande que celle de ne pas en avoir fait du tout.
Enfin, il peut s’avérer fort bénéfique de discuter de vos difficultés anxieuses avec un(e) professionnel(le) de la santé mentale, comme un psychologue ou un psychothérapeute. Ce sujet sera approfondi plus loin dans cet article.
Méditation et relaxation
S’il est vrai que «n’y pense pas » n’est pas une réponse satisfaisante pour votre cortex cérébral, ne pas toujours y penser est aussi nécessaire. Alors que l’anxiété pose de bonnes questions, la méditation et la relaxation peuvent être un moyen de se dire « c’est une excellente question, mais pas maintenant » ! Vous avez déjà essayé et l’avez détesté? Sachez qu’il existe différentes méthodes et je vous invite à en essayer plusieurs afin de trouver la bonne. Un exemple? Vous pouvez relaxer en vous concentrant à distinguer les différents chants d’oiseau dans votre cour extérieure. Simple, non? Il n’est pas toujours nécessaire de se croiser les jambes en contrôlant notre respiration!
Plusieurs thérapeutes offrent de vous guider dans l’exercice de différentes méthodes de méditation et de relaxation. Vous ne l’avez jamais pratiqué? Alors, essayez au moins l’exercice des oiseaux ! Peut-être serez-vous tenté(e) d’approfondir la relaxation ou la méditation avec un professionnel par la suite. Ou juste les oiseaux… cela peut être suffisamment satisfaisant!
Il existe également plusieurs sites Web où l’on trouve des techniques de méditation et de relaxation. Je vous invite à les essayer si le cœur vous en dit. L’important est de trouver la méthode qui vous apporte le bien-être.
Enfin, sachez que la médication peut s’avérer fort utile pour pallier un problème d’anxiété. Ce sujet sera traité un peu plus loin.
SYMPTÔMES DÉPRESSIFS ET DÉPRESSION MAJEURE
Ici, ce ne sont pas les questions qui nous envahissent, mais bien les affirmations. « Je suis un fardeau pour les autres, je fais souffrir mes proches, tout le monde serait mieux sans moi » sont des phrases qui indiquent que votre cerveau a peut-être pris une tangente vers une dépression majeure. Vous vous sentez souvent fatigué(e) ou épuisé(e). Vous avez des problèmes d’appétit et d’intérêt sexuel. Vous souffrez de douleurs physiques comme des maux de tête ou des douleurs avec causes inexpliquées. Dans ces cas-là, n’ayez pas honte, vous ne choisissez pas le ou les symptômes de la dépression. En 2017, l’Organisation mondiale de la santé estimait à plus de 260 millions le nombre de personnes atteintes de dépression majeure (OMS, 2020). Près du tiers des personnes vivant avec une maladie chronique souffriront de dépression au cours de leur vie (Rabin, Smith, Godet, n.d.). Mais qu’est-ce que la dépression majeure? Disons que c’est comme si le cerveau se met en mode «dépressif ». Ce n’est pas vous ! C’est votre cerveau. Il y a une différence entre les deux.
Ce n’est pas vous, c’est votre cerveau
Vous est-il déjà arrivé de vous poser la question «qu’est-ce que j’ai à être si négatif(ve) aujourd’hui ? », après avoir mal dormi la veille. Vous répondez bêtement aux gens qui vous entourent et constatez qu’ils n’ont rien fait pour mériter votre exaspération. C’est un peu le même principe en ce qui concerne la dépression majeure. Vous distinguez votre pensée de celle de votre cerveau. Comme si votre cerveau réagit en prenant toujours une perspective pessimiste avant même que vous pensiez à la situation. Comme si vous devez dorénavant regarder le monde à travers des lunettes « sombres ». Avec une bonne nuit de sommeil, vous pouvez parfois vous rattraper par la suite. Mais ce ne sera pas suffisant pour gérer ces « lunettes », car la chimie de notre cerveau risque de nécessiter beaucoup plus qu’un sommeil réparateur pour retrouver votre façon de voir la vie à travers des lunettes claires.
Il faut également faire la distinction entre la dépression et le deuil. Un peu comme l’anxiété, avoir de la peine face à des pertes de mobilité ou de fonctionnalité est tout à fait normal. Accepter de nouvelles limites qu’impose la fibrose kystique demande un temps d’adaptation. Consulter un(e) psychologue ou un(e) professionnel (le) de la santé peut s’avérer fort utile pour faire la distinction entre les deux. Ce sujet sera traité un peu plus loin.
Guérison et dépression
Non, vous n’aggravez pas les symptômes de la maladie parce que vous êtes déprimé(e). Vous avez le droit d’exprimer votre peine, qu’elle plaise aux autres ou non. Ne vous sentez pas coupable d’être triste, frustré(e) ou négatif(ve) par moment et, surtout, n’oubliez pas qu’il existe des solutions.
Demander de l’aide
Vous n’avez pas à souffrir de la sorte! Je ne saurais vous dire à quel point il est important d’aller consulter les professionnels (les) de la santé si vous vous reconnaissez dans ces lignes. Il est extrêmement difficile de lutter seul(e) contre son cerveau et des produits pharmaceutiques et traitements psychothérapeutiques peuvent grandement vous aider à traverser cette étape de votre vie. Une dépression peut aussi être un carrefour où vous prenez conscience des éléments qui vous rendent malheureux pour lesquels vous décidez, à ce moment, de concentrer votre énergie et votre temps pour les changer. Une dépression peut vous pousser vers de grands changements bénéfiques pour le reste de votre existence. Mais pour cela, vous devez demander de l’aide. Alors, faites-vous ce cadeau et consultez !
MÉDICATION
Est-ce que la médication est absolument nécessaire pour un problème d’anxiété ou de dépression? Non. Et la souffrance non plus. Voyez cette épreuve comme un jeu de ballon dont l’objectif est de l’attraper. Imaginez maintenant que la dépression ou l’anxiété soit un état similaire à celui d’avoir une main en moins pour attraper ledit ballon. La médication est une orthèse qui vous permet d’attraper le ballon le temps de retrouver l’usage de votre main blessée.
Il faut savoir également que la médication n’a rien de magique et ne vous empêchera pas de penser par vous-même. On ne devient pas « légume» avec des médicaments, ou, du moins, pas au 21e siècle! Ils permettent d’alléger le fardeau émotif lié à l’anxiété et la dépression, ce qui facilite grandement à passer au travers ces épreuves. Si les effets secondaires de la médication ou son interaction avec d’autres médications que vous prenez vous inquiètent, prenez le temps de discuter de vos craintes avec votre médecin. Il ou elle sera un(e) bien meilleur(e) conseiller (-ère) que les réseaux sociaux ou le Web!
N’hésitez pas à consulter un(e) médecin à propos de vos troubles psychologiques et à en parler avec un(e) psychologue. Là encore, sachez qu’il n’y a pas de questions idiotes. L’obtention de l’information juste vous permettra de prendre de meilleures décisions quant à la médication. Il est possible de vous faire accompagner si vous avez de la difficulté à comprendre le jargon médical (c’est normal, tous ne parlent pas latin; alors ne soyez pas gêné (e)!). Enfin, rappelez vous que la souffrance n’est pas nécessaire et que la médication peut grandement faciliter le mieux-être.
PSYCHOTHÉRAPIE
Quand devriez-vous consulter ? Dès que vous le souhaitez. Un psychologue ou un psychothérapeute peut être un excellent allié dans votre recherche de solutions et pour vous soutenir à travers les épreuves que la fibrose kystique apporte à votre vie. Le professionnel ou la professionnelle sera en mesure de:
• vous guider dans vos questionnements et de vous
accompagner dans votre réflexion;
• vous fournir plein d’informations et d’outils pour
vous aider à mieux gérer votre anxiété;
• vous soutenir dans vos émotions et veiller sur vous
lorsque l’humeur est dépressive.
Sachez qu’il existe quatre orientations théoriques en psychothérapie et une kyrielle d’approches pour les appliquer. Certaines approches sont dites passives (le ou la professionnel (le) parle peu), alors que d’autres sont fondées sur l’interaction (le ou la professionnel (le) parle plus !). Un petit truc ? Plutôt que de demander l’orientation de laquelle le ou la psychothérapeute s’inspire, demandez-lui s’il ou elle est interactif(ve) ou passif(ve). Il sera plus facile pour vous de déterminer si cela va dans la voie que vous cherchez. En regard aux orientations théoriques, laquelle est la meilleure? Celle qui vous convient. Que vous vous sentiez à l’aise en thérapie avec votre psychothérapeute est plus garant de succès que l’approche en soi (Krupnick, Sotsky et coll., 1996). Vous trouverez notamment sur le site de l’Ordre des psychologues du Québec (www.ordrepsy.qc.ca) une banque de références des psychologues et de psychothérapeutes dans votre région avec les types de problématique de leur expertise.
Publié dans le SVB numéro 45
Références :
Berta, M. (1999). 6 – Aux limites cliniques de l’Épreuve d’anticipation. Dans Garcia-Orad, L’épreuve d’anticipation: Test de l’imaginaire personnel (pp. 79-88). Toulouse, France: Érès.
Krupnick, J. L., Sotsky, S. M., Simmens, S., Moyer, J., Elkin, I., Watkins, J., & Pilkonis, P. A. (1996). The role of the therapeutic alliance in psychotherapy and pharmacotherapy outcome: Findings in the National Institute of Mental Health Treatment of Depression Collaborative Research Program. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 64(3), 532–539.
Rabin, H., Smith, L., & amp; Gaudet, E. (n.d.). Fibrose kystique CANADA. Fibrose kystique Canada. https://www.fibrosekystique.ca/about-cf/vivre-avec-la-fibrosekystique/sante-mentale.
Rector, N. A., Bourdeau, D., Kitchen, K., Joseph-Massiah, L., & amp; Laposa, J. M. (2005). Les troubles anxieux Guide d’information. https://www.camh.ca/-/media/files/guides-and-publications-french/anxiety-guide-fr.pdf.
World Health Organization. (2020). Depression. World Health Organization. https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/depression.