Témoignage de Sylvie d’Auteuil
Publié dans le SVB 2006
Chacun de nous qui sommes atteints de fibrose kystique avons notre histoire et cette histoire est unique. Un souffle de vie, c’est ce que je suis ! Au gré des mots, avec humilité et modestie, permettez-moi de vous raconter une histoire, la mienne !
Qui suis-je ? Je m’appelle Sylvie d’Auteuil, j’ai 42 ans et suis originaire de Montréal. J’ai reçu mon diagnostic de fibrose kystique alors que j’étais âgée de 2 1/2 ans, au moment même où mon frère Francis également atteint et âgé de six ans, subissait l’ablation du lobe moyen du poumon droit. Inutile de préciser que l’annonce de mon diagnostic a été dévastatrice pour mes parents. À cette époque, en 1965, les mesures relatives à la gratuité des soins hospitaliers et des médicaments n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Et voilà qu’ils apprenaient qu’ils n’avaient plus un mais bien deux enfants atteints de fibrose kystique. Ce fut une période de vie difficile pour mes parents. Cependant, ils ont su tenir tête à l’adversité, ils ont mené à bien leur bataille et nous sommes toujours là. Francis est maintenant âgé de 45 ans.
Il existe d’innombrables choses pour lesquelles je voudrais remercier mes parents, mais la plus importante à mes yeux demeure sans doute de nous avoir permis, à Francis et à moi, de vivre une enfance « normale » malgré les traitements. Nous avons eu la chance de pouvoir grandir comme les autres enfants. On ne nous empêchait pas de jouer, de sauter à la corde, de jouer aux élastiques, à la cachette ou aux « cowboys », de courir pour un cornet de crème glacée quand M. Cornet déambulait dans les rues de Montréal-Nord. Il n’y avait pas de place pour la sédentarité, l’apitoiement, ni pour le fatalisme de la maladie.
C’est ainsi qu’a grandi et que s’est perpétuée mon envie de vivre… avec la certitude que j’étais comme les autres et cela dit sans prétention, avec un petit quelque chose de plus. En effet, avec les années et la maturité, je me suis mise à considérer la fibrose kystique comme une alliée. Une amie fidèle qui chaque jour, me rappelle l’importance de vivre une journée à la fois et de faire comme si c’était la dernière. Bien sûr, il y a parfois des moments où j’aimerais être et exister sans elle mais je ne peux rien changer à la réalité.
Témérité, audace, confiance, insouciance, impatience, urgence, passion et entêtement… voilà tous des mots qui me caractérisent et qui m’ont conduite à faire certains choix de vie. Je suis passée du primaire au secondaire sans les détours souvent turbulents de l’adolescence, et j’ai opté pour des études collégiales en techniques infirmières. J’ai orienté ma carrière vers les soins psychiatriques. Est-ce parce que j’ai eu à côtoyer le monde médical « physique » depuis l’enfance que j’ai choisi la psychiatrie ? Peut-être… Cette expérience de vie fut fascinante et très enrichissante. Elle m’a permis de mieux comprendre l’humain et ses émotions. J’ai exercé ma profession durant 14 ans. En 1997, la vie me rappelait toutefois à l’ordre : il me fallait ralentir et prendre soin de moi, pour mon mieux être bien sûr, mais surtout pour continuer à être là pour mes deux enfants…
Car j’ai omis de vous dire qu’à l’âge de 21 ans, je me suis transformée en pionnière… en devenant la première mère atteinte de fibrose kystique de l’hôpital Sainte-Justine. Une décision qui donna quelques sueurs froides à mon entourage autant familial que médical. Tout le monde fût grandement surpris à l’annonce de ma grossesse. Pour moi, c’était simplement normal. Je concrétisais un rêve. C’était une autre étape de vie. Je n’ai pas cru être différente des autres mères et encore aujourd’hui, c’est ce que je pense. J’ai vécu cette première grossesse au gré des jours et des nausées… qui ne m’ont donné aucun répit pendant neuf mois ! Ma plus grande crainte fut toutefois causée par la pneumonie que j’ai contractée en fin de grossesse. Je n’étais pas inquiète pour moi mais pour le bébé. Pourtant, le 1er décembre 1984, je donnais naissance à un magnifique garçon, Vincent, bien affectueusement surnommé mon « Tit-homme ». Je me souviens comme si c’était hier du lendemain de l’accouchement. Mon pneumologue, le docteur Lapierre est venu me voir, me félicitant et m’annonçant qu’il avait « goûté » au bébé… qui ne goûtait pas le sel. La confirmation que Vincent n’était pas atteint de fibrose kystique nous a été transmise six semaines plus tard après qu’il eut passé le test de la sueur. Bien que j’étais profondément convaincue que mon bébé était en santé, je dois admettre que j’ai quand même poussé un soupir de soulagement. Car même si je vis bien avec ma maladie, je ne souhaitais que le meilleur pour lui. Malgré quelques problèmes de santé que m’a causés la fibrose kystique au cours des années qui ont suivi, j’ai renouvelé l’expérience de la maternité cinq ans plus tard. Le 5 février 1990, j’ai accouché par césarienne d’une belle petite princesse, Annie, qui est elle aussi en parfaite santé.
Aujourd’hui, Vincent est âgé de 20 ans et Annie de 15 ans. Je ne saurais résumer toutes les années passées avec eux autrement qu’avec quelques mots : amour, affection, fierté, partage. Mes enfants ont été et sont encore aujourd’hui mes deux meilleurs remèdes contre la maladie. Combien de fois tout petits, m’ont-ils accompagnée à la salle de bain, afin de tousser en chœur avec moi et de se joindre à moi pour expectorer… C’était à mourir de rire ! Leur attitude face à la vie est synonyme de persévérance, d’intensité et de joie de vivre. Leurs sourires et leurs rires sont contagieux. À leur côté, j’apprends à mieux vivre et à ne pas prendre la vie trop au sérieux. Et leur sagesse m’étonnera toujours. N’allez pas croire que je considère mes enfants parfaits… ils ont bien leurs p’tits défauts. Vous vous demandez peut-être comment eux me voient, s’ils ont des inquiétudes face à ma maladie. Eh bien, Vincent et Annie me perçoivent comme je percevais moi-même mes parents. Ils m’ont toujours considérée comme tous les autres enfants considèrent leur maman, sans plus ni moins. Et je crois que l’image qu’ils ont de moi est beaucoup plus influencée par ma personnalité que par ma maladie.
Et si aujourd’hui je regarde la vie que j’ai menée jusqu’à maintenant avec un peu de recul, j’en viens à la conclusion que même si la fibrose kystique a mis un terme à ma carrière d’infirmière, elle m’aura permis d’être une mère à temps plein, de prendre davantage soin de moi, de voir la vie avec d’autres yeux et de la vivre pleinement. Je respire la Vie à chaque bouffée d’air et j’ai confiance en elle!