L’importance de la respiration physiologique profonde
De toutes les grandes fonctions qui assurent la vie, la respiration est, avec la circulation, la plus importante. C’est une évidence que la fonction respiratoire joue un rôle important dans notre vie. Surtout lorsque nous sommes atteints de déficience respiratoire, nous constatons combien la difficulté de bien respirer handicape notre santé. Mme Metge-Sandra a consacré toute sa vie au développement de sa méthode. La chance m’a été offerte de la rencontrer à Paris et d’être formée afin d’enseigner sa méthode.
Née dans le sud de la France en 1909, elle est décédée au Canada en 2002. Grand Prix du Conservatoire de musique de Paris chant et piano, professeure de chant, elle a observé l’impact de la fonction respiratoire sur diverses personnes afin d’aider ses élèves à développer la maîtrise de leur corps comme instrument. Elle a aussi créé une gymnastique respiratoire favorisant le mécanisme de la respiration physiologique profonde plutôt que celui de la respiration thoracique partielle.
Elle s’est rendu compte très vite que son travail dépassait largement le cadre du chant. Sa méthode est basée sur le mécanisme de la respiration physiologique profonde, celle que nous possédons à la naissance. Dans cette rééducation respiratoire, toute l’importance est donnée à l’expiration spontanée. Ce travail respiratoire assure le développement des muscles profonds : des dorsaux, des abdominaux, des transverses et des obliques, permettant au diaphragme d’être le moteur de l’acte respiratoire.
Cette méthode, ayant des propriétés thérapeutiques préventives et curatives, assure en permanence la respiration physiologique et la voix physiologique de chaque être humain.
Madame Metge-Sandra est une des rares personnes, dans le domaine respiratoire, à signaler l’importance d’une rééducation respiratoire insistant sur l’« expiration spontanée » dans la position buccale du rire.
Voici ce qu’a observé Madame Metge-Sandra :
La majorité des êtres humains ne savent pas respirer et pratiquent un mode respiratoire suffisant pour maintenir la vie, mais très insuffisant pour assurer les échanges profonds qui garantissent un équilibre physiologique et psychologique que l’homme moderne est très loin de connaître.
Démusclé par sa vie sédentaire, dans une atmosphère polluée, aux prises avec un rythme de vie trépidant qui use son système nerveux, l’homme du XXIe siècle ne sait pas respirer, ne peut plus respirer à fond et pratique une respiration paresseuse et partielle : la respiration thoracique.
En vérité, tout sujet pratiquant cette respiration incomplète est assujetti à la fatigue, quelle que soit son activité, cette fameuse fatigue, si fréquente chez l’homme moderne, fatigue générale résultant dans la vie courante de l’insuffisance des échanges et de la carence d’oxygène dans l’organisme, fatigue nerveuse dont s’inquiète le corps médical sans, pour cela, en trouver le remède efficace.
C’est par la pratique de la respiration profonde, de la respiration physiologique, que tout sujet peut accéder, en « se remusclant », aux échanges profonds dans l’appareil respiratoire dans la vie courante, au calme et à la possibilité d’un effort physique sans fatigue.
Les écrits contemporains considèrent la respiration comme étant le travail des poumons avec l’aide du nez et de la bouche. Les poumons recueillent et échangent les gaz (utilisant comme véhicules les globules sanguins), mais, en réalité, chaque cellule vivante de l’organisme joue un rôle dans la respiration. Toutes les cellules du corps ont besoin d’oxygène pour vivre, se développer et produire l’énergie nécessaire aux activités corporelles. Le rôle des poumons est d’extraire l’oxygène de l’air, de le transférer dans le sang qui le portera aux cellules du corps.
La respiration a, pour autres fonctions, la régulation de la quantité d’eau du système sanguin et une contribution à l’équilibre thermique du corps.
Il est noté aussi que le processus fondamental de la respiration est l’utilisation chimique de l’oxygène par la cellule en vue d’oxyder les substances énergétiques et d’en libérer l’énergie qu’elles contiennent. Il en résulte une libération d’H20 et de CO2. Ceci se produit dans la mitochondrie 1. Voilà donc une fonction de toute première importance pour chacune de nos cellules.
Par son appareil respiratoire, notre organisme communique largement avec le monde extérieur. C’est sur une surface de 130 m2 que notre tissu le plus intime, le sang, entre en contact avec l’air ambiant à travers les alvéoles pulmonaires.
Il est une évidence physiologique d’importance considérable : ce mécanisme de la fonction respiratoire, notre volonté peut le diriger. En effet, notre volonté peut modifier sa fréquence; le nombre de respirations, expirations et inspirations qui sont au nombre de 12 à 16 par minute, peut être augmenté ou diminué, soit en les accélérant, soit en les ralentissant. Notre volonté peut modifier le rythme de la respiration en amplifiant ou raccourcissant l’expiration ou l’inspiration. Enfin, notre volonté peut suspendre pendant quelques instants la fonction respiratoire par un blocage de son mécanisme à l’aide des muscles dorsaux, abdominaux et du diaphragme.
Alors que notre volonté ne peut avoir aucune influence sur l’appareil digestif, qu’il s’agisse des mouvements péristaltiques 2 de l’intestin ou de la sécrétion du foie, que notre volonté ne peut en rien intervenir dans nos fonctions glandulaires, qu’elle reste impuissante à modifier les battements du cœur et des artères, notre volonté, par contre, a une action précise sur la respiration.
Constatation fort regrettable, cette fonction, qui est la vie-même, la seule fonction sur laquelle notre volonté ait une action, se trouve à la fois la plus méconnue et la plus négligée.
Mais comment peut-on négliger une fonction dont nous venons de déterminer le rôle primordial dans la vie ? L’homme du XXIe siècle ne sait pas respirer à fond, ne peut plus respirer à fond et pratique une respiration paresseuse et partielle : la respiration thoracique.
Les maladies d’ordre respiratoire ne cessent d’augmenter et la faiblesse des muscles respiratoires accroît cette dégénérescence.
Les muscles profonds, s’ils ne sont pas développés par un travail respiratoire précis, ne permettent pas une respiration profonde, la respiration physiologique, qui donne à l’expiration le rôle le plus important dans l’acte respiratoire.
En pratiquant ce mode respiratoire, les personnes concentrent toutes leurs attentions sur un vidage de l’air pulmonaire pendant l’expiration sans se préoccuper de l’inspiration qui se réalise automatiquement et en rapport direct avec l’ampleur du vidage provoqué par l’expiration.
La RESPIRATION THORACIQUE PARTIELLE
Dans la respiration thoracique, l’attention se concentre sur l’inspiration avec le but d’emmagasiner le plus d’air possible dans l’appareil respiratoire. L’inspiration est active et provoquée systématiquement par le déplacement du thorax vers le haut et l’élévation des épaules.
Par contre, l’expiration, toujours négligée et ne réalisant qu’un vidage partiel, est en quelque sorte passive et les échanges sont réduits au maximum : il y a donc sous-oxygénation. Ce manque d’oxygène est à la base de perturbations d’ordres physiologique et psychologique. Toute personne avec ce mécanisme connaît l’essoufflement.
Ce mécanisme de la respiration thoracique ne sollicite qu’une faible partie des muscles, en négligeant le diaphragme, les muscles abdominaux et les muscles dorsaux.
Ce mécanisme respiratoire pratiqué dans diverses activités est le mécanisme que l’on considère comme « normal ». Les muscles profonds sont peu sollicités dû à une mauvaise utilisation de la fonction respiratoire et à une cérébralisation intense.
Tant que l’on insistera sur une prise d’air avant chaque expiration, il sera difficile, voire même impossible, pour des sujets démusclés de retrouver, de conserver un tonus de tout l’appareil musculaire dorsal et abdominal. Tous les exercices respiratoires doivent avoir pour but de tonifier, de fixer les muscles à leur véritable place anatomique.
Nous pouvons considérer la respiration thoracique comme une sorte de déficience organique, d’infirmité respiratoire. La rééducation respiratoire disciplinée doit corriger et amener toute personne à la pratique de la seule respiration totale, celle que nous possédons tous à la naissance, c’est-à-dire le mécanisme de la respiration physiologique profonde.
La RESPIRATION PHYSIOLOGIQUE PROFONDE
La respiration physiologique profonde donne à l’expiration le rôle le plus important dans l’acte respiratoire. Le sujet qui pratique cette respiration concentre toute son attention sur un vidage de l’air pulmonaire pendant l’expiration sans se préoccuper de l’inspiration qui se réalise automatiquement et en rapport direct avec l’ampleur du vidage provoqué par l’expiration.
L’expiration est active avec le but d’un vidage maximum de l’air pulmonaire pendant l’effort; l’inspiration réalisée dans l’immobilité de tous les muscles respiratoires auxiliaires et du diaphragme est en quelque sorte passive : les échanges sont augmentés au maximum.
Les muscles de la respiration profonde constituent un véritable corset de soutien pour les viscères. Pendant la respiration physiologique, les muscles les plus importants du corps participent à l’acte respiratoire.
Ce mécanisme respiratoire est loin d’être inaccessible. Dans certaines manifestations de la journée, le corps retrouve cette respiration : les rires, le cri, les pleurs, les déjections, la toux. La nature fixe immédiatement les muscles à leur véritable place anatomique. Certains sports, certains métiers conservent ce mécanisme par la précision et le tonus que demande la respiration profonde.
L’expiration est la phase vitale pour la résistance dans la fonction respiratoire : « qui a du souffle vit longtemps, intensément et paisiblement » .
« La majorité des êtres humains ne respire qu’à demi; nous inspirons parce que cette partie de l’acte respiratoire est la condition même de la vie. Mais nous ne prenons pas la peine d’expirer par paresse musculaire et pourtant, on répare mieux ses forces en expirant avec mesure qu’en s’efforçant de gonfler d’air ses poumons. […] Avec de l’entraînement, nous sommes heureusement capables de rendre notre respiration aussi bonne qu’elle a été jusque-là inconsciemment mauvaise. 4 »
La voix et le souffle sont extrêmement liés sur le plan physiologique. La voix n’est que le reflet sonore d’une expiration. Sans le souffle, la voix n’existe pas. La voix humaine reste le plus précieux moyen de communication entre les hommes. La voix humaine et la respiration à travers les siècles sont des révélateurs importants de la condition humaine. L’homme est façonné par son environnement. Dans une fable d’Ésope,
Xanthos donne à Ésope l’ordre d’acheter au marché ce qu’il y a de meilleur. Ésope n’achète que des langues sous prétexte qu’il n’y a rien de meilleur que la langue, lien de la vie civile, clé des sciences, organe de la vérité, de la raison et de la prière.
Comment peut-on améliorer la fonction respiratoire chez les personnes atteintes de fibrose kystique?
Nous l’avons vu, lorsque le travail respiratoire fait appel avant tout à l’inspiration en négligeant l’expiration, le diaphragme et tous les autres muscles auxiliaires, dorsaux et abdominaux traverses et obliques ne peuvent accomplir un travail en profondeur. Le tonus et les échanges dans les alvéoles pulmonaires demeurent affaiblis. Toute l’importance que nous accordons à l’expiration bruitée avec la position buccale du rire à l’aide de différents mouvements, conduit à une gymnastique respiratoire où le corps tout entier respire et se renforce. Cette expiration n’est pas un simple souffle, mais un bruit expiratoire où les muscles profonds sont davantage sollicités et surtout entraînés pour un meilleur tonus. Toutes les personnes atteintes de fibrose kystique, avec l’expiration bruitée, bénéficient d’une large ventilation, ceci provoquant un dégagement des mucosités. C’est un véritable autoclapping : les expectorations se font sans violence et avec soulagement. Nous accordons un rôle important aux voies nasales afin de favoriser une meilleure santé respiratoire.
Quelques conseils importants :
• Tout travail respiratoire doit débuter par une expiration : ne forcez pas votre souffle. Gardez la bouche ouverte dans la position du rire et soufflez avant de faire une activité. Lorsque vous êtes essoufflé, expirez calmement. Votre rythme respiratoire redeviendra normal.
• Prenez soin de garder un bon tonus dorsal et abdominal. La respiration profonde habitue les muscles progressivement après des interventions à retrouver de l’endurance, de la force. Il est bien de faire des exercices, mais il faut toujours éviter une fatigue durant l’entraînement. Nous travaillons le plus souvent les exercices respiratoires au sol. Il est important
de sentir la colonne vertébrale bien au sol, ce qui permet de renforcer le système pulmonaire.
• Il est primordial d’entraîner votre souffle. La maîtrise de la fonction respiratoire basée sur le mécanisme de la respiration physiologique profonde faisant appel
à l’expiration spontanée garantit un bon contrôle de la respiration.
• La rééducation respiratoire est d’une grande nécessité pour les greffés pulmonaires. Après l’intervention, lorsqu’ils doivent respirer par eux-mêmes sans une machine, c’est souvent la panique. Toute l’importance accordée à la maîtrise de l’expiration, sans brusquer les muscles respiratoires, leur permet d’éviter la panique et, en même temps, de reprendre contact avec la fonction respiratoire. Le calme et la détente sont d’une extrême nécessité pour eux.
Toute personne, un jour ou l’autre, est confrontée à des épreuves. La maladie, hélas, fait partie de ces épreuves. Un bon tonus musculaire constitue le moteur de sécurité de la respiration physiologique profonde. Rééduquer son souffle, peu importe sa condition physique, est un pas vers la récupération d’une meilleure santé. Dans cette rééducation respiratoire, se greffe un aspect important, celui de l’éthique. Une équipe importante à la clinique Jules-Verne de Nantes, composée d’Alan Boone, qui enseigne la méthode de Mme Metge-Sandra, et du Docteur Philippe David et du Docteur Gérard Dabouis ont cimenté avec une équipe composée de diverses spécialités un travail d’une importance capitale pour la santé du patient et pour les soignants.
Marlène Turcot
Professeure de gymnastique respiratoire
Québec (Québec)
Canada
Références bibliographiques :
1. Élément du cytoplasme de la cellule dont le rôle essentiel est d’assurer l’oxydation, la respiration cellulaire, la mise en réserve de l’énergie par la cellule et le stockage de certaines substances (Le Larousse)
2. Se dit des contractions qui se produisent dans les organes tubulaires et provoquent le déplacement du contenu de l’organe. (Le Larousse)
3. (TaisenDeshimaru, La pratique du zen).
4. (William Knowles, The Knowles Method of Breath Training)Femme