Santé : Les accès vasculaires dans le traitement de la fibrose kystique
Introduction
Le traitement de la fibrose kystique nécessite l’utilisation fréquente d’antibiotiques. Malheureusement, plusieurs antibiotiques ne peuvent être administrés que par voie intraveineuse. Alors que l’administration intraveineuse est perçue par certains comme un signe de la progression de la maladie, c’est en réalité la bactérie à traiter qui dirige le choix du mode d’administration. En effet, le visiteur indésirable des poumons des personnes atteintes de fibrose kystique, Pseudomonas aeruginosa, réagit à un petit nombre d’antibiotiques oraux mais à plusieurs intraveineux. D’où l’importance des cathéters, qui constituent un accès vasculaire fiable permettant l’administration de la totalité du traitement.
Un cathéter veineux central est un tube, inséré dans une veine périphérique (du bras par exemple) ou dans une grande veine (comme la veine jugulaire ou sous-clavière), dont l’extrémité distale est située à la jonction entre la veine cave supérieure et l’oreillette droite.
Ce type de cathéter permet d’administrer des solutions aux pH élevés ou bas – ce qui est irritant pour les veines – ou des solutions dont l’osmolarité pourrait endommager la paroi interne de la veine. Plusieurs antibiotiques entrent dans cette catégorie de médicaments que l’on appelle « irritants ».
Il existe plusieurs types de cathéters veineux centraux, mais certains sont mieux adaptés aux besoins des adultes fibrokystiques. Le présent article porte sur ces différents types d’accès vasculaires, les risques associés à chacun, leurs avantages et les complications les plus fréquentes.
Types d’accès veineux central
Le cathéter central percutané
est utilisé lorsqu’un accès central est nécessaire de façon urgente. Il est inséré rapidement et permet d’administrer un grand volume de liquide ou encore des solutions très irritantes pour les veines. Chez les adultes fibrokystiques, il est habituelle- ment inséré dans la veine jugulaire à cause du risque élevé de pneumothorax lors de l’accès à la veine sous- clavière. Il peut rester en place quelques jours jusqu’à ce que la condition médicale soit stabilisée. La complication la plus fréquente de ce type de cathéter est une infection qui survient lorsque l’insertion se fait dans un endroit fortement colonisé par les bactéries présentes dans la bouche ou les voies respiratoires.
Le cathéter central inséré par voie périphérique (CCIVP)
Communément appelé PICC ou PIC line pour Peripherally Inserted Central Catheter, est inséré dans une veine du bras (basilique, brachiale ou céphalique) pour un traitement de plus de quatre semaines ou de plus de cinq jours avec un médicament dont le pH ou l’osmolarité peuvent être irritants et dommageables pour les veines périphériques. Il est sans contredit devenu l’accès veineux central le plus fréquemment utilisé ces dernières années parce qu’on le croyait sans risque et qu’il est relativement simple à insérer. Malheureusement, de plus en plus d’études font état des complications inhérentes à ce type d’accès vasculaire, notamment la thrombose associée au cathéter et l’infection du cathéter, les deux complications les plus sévères, et l’occlusion du cathéter, la complication la plus fréquente.
La chambre implantable
Que l’on appelle également le Port- O-Cath®, Infus-a-port®, POC, PAC, ou simplement Port… Dans tous les cas, le terme désigne un cathéter totalement implanté sous la peau. Pour insérer une chambre implantable, le chirurgien ou le radiologiste d’intervention accède à la veine jugulaire, sous-clavière ou axillaire à l’aide de l’ultrason. Selon la veine choisie, il ménagera ou non un petit tunnel et une pochette dans laquelle sont placés une partie du cathéter et la chambre implantable. Ce type de cathéter est idéal pour les patients qui auront besoin de médicaments intraveineux de façon répétée parce qu’une fois inséré, il est accessible en moins de deux minutes avec une aiguille spéciale. Il permet aux patients de se baigner lorsqu’il n’est pas utilisé et, selon le type de chambre et le type d’installation privilégiés, peut être plus facilement camouflé. En contrepartie, certains patients se plaignent que la ceinture de sécurité frotte sur la chambre. Les femmes rapportent également que, quelquefois, la chambre frotte sur la bretelle du soutien-gorge ou encore qu’elle est visible dans le décolleté – ce qui nécessite un modèle différent de soutien-gorge ou un autre type de décolleté. Pour prévenir ces problèmes, le patient peut suggérer un endroit sur le thorax où l’insertion serait moins problématique. Une autre solution consiste à procéder à l’insertion dans l’avant-bras, lorsque les veines périphériques sont assez grosses ou qu’elles n’ont pas été endommagées par plusieurs CCIVP précédents et qu’il y a suffisamment de tissus pour recouvrir la chambre. De plus en plus de médecins acceptent de faire l’insertion à un endroit « non traditionnel».
Le cathéter mi-long (midline)
Ressemble à s’y méprendre à un CCIVP, sauf qu’à l’intérieur, il est beaucoup plus court et se termine juste avant la veine axillaire. Il peut constituer un accès vasculaire acceptable si la solution à administrer n’est pas irritante pour les veines et si la thérapie doit durer moins de quatre semaines. Avec le temps, par contre, l’utilisation répétée de ce type de dispositif pourrait endommager la veine à un point tel qu’elle deviendrait inutilisable pour un CCIVP ou l’installation d’une chambre implantable au niveau du bras.
Complications possibles
Les accès vasculaires ne sont pas sans risques et sans complications. Les complications les plus fréquentes sont l’infection, la thrombose (un caillot dans une veine), l’occlusion ou le blocage du cathéter, la migration de l’extrémité du cathéter et les réactions cutanées. La section qui suit décrit ces complications et les interventions simples visant leur prévention.
L’infection
Reliée au cathéter central est une complication sévère qui peut mettre la vie des patients en danger. Le risque le plus élevé est associé au cathéter percutané, suivi du CCIVP puis du cathéter mi- long, alors que la chambre implantable représente le risque le moins élevé. L’infection survient lorsqu’un micro-organisme migre jusqu’au sang. Les micro- organismes peuvent voyager sur la surface externe du cathéter, à partir du site d’insertion, ou encore sur la surface interne du cathéter, à partir du capuchon d’injection ou de l’embout femelle du cathéter, lors de l’injection dans le cathéter ou des changements de tubulures et de bouchons. Lorsque cela survient, la contamination peut devenir importante et causer l’infection du sang ou une bactériémie.
Pour prévenir l’infection, l’efficacité des mesures suivantes a été avérée par les plus récentes études:
- le lavage des mains avant toute manipulation du cathéter (changement du pansement et accès au bouchon);
- le changement de pansement lorsqu’il est souillé ou décollé et que le cathéter n’est pas suffisamment stabilisé;
- la désinfection du bouchon grâce à une friction vigoureuse d’au moins 15 secondes (c’est le temps nécessaire pour chanter Bonne fête deux fois !);
- l’utilisation d’un dispositif de stabilisation sans aiguille (pas de points de suture) pour stabiliser le Une étude a démontré le risque plus élevé d’infection lors de l’utilisation de points de suture. Ceci est probablement relié au fait que les points de suture ne peuvent être désinfectés efficacement lors du changement de pansement, qu’ils sont près du site d’insertion, qu’ils offrent une porte d’entrée supplémentaire aux bactéries et qu’ils favorisent l’inflammation;
- le retrait du cathéter lorsqu’il n’est plus nécessaire (on ne garde pas le cathéter « au cas où…»).
La thrombose reliée au cathéter
Est une complication sévère pouvant entraîner des complications chroniques, comme le syndrome post-thrombotique ou la sténose veineuse, ou encore d’autres complications aiguës, comme l’embolie pulmonaire. On parle de thrombose reliée au cathéter lorsque la veine est obstruée partiellement ou complètement par un caillot formé sur le cathéter. La thrombose survient lorsque les trois conditions suivantes sont réunies:
- l’hypercoagulabilité – un facteur individuel qui ne peut être altéré;
- la stase veineuse, fréquente lorsqu’une grande partie du flot sanguin est réduite dans un vaisseau sanguin;
- un dommage à la paroi interne (endothélium) de la veine, qui survient lors des mouvements du cathéter à l’intérieur de la veine ou après le passage du cathéter au moment de l’insertion.
Le risque de thrombose est plus élevé avec le CCIVP parce que ce type de cathéter est souvent plus gros au site d’insertion, ce qui bloque le flot sanguin à l’endroit où la veine est la plus petite et parce que le cathéter bouge lors de la toux ou lors de l’irrigation.
Certaines mesures permettent toutefois de réduire le risque de thrombose:
- faire des exercices légers du bras dans lequel le CCIVP a été inséré afin d’augmenter le flot sanguin dans la veine;
- assurer une hydratation suffisante;
- appliquer de la chaleur sur le bras, au-dessus du site d’insertion, pendant vingt minutes, toutes les quatre heures, la journée de l’insertion et le lendemain;
- éviter de prendre la tension artérielle du côté du cathéter;
- si un bandage est placé autour du bras pour éviter que la tubulure soit encombrante, il faut s’assurer qu’il ne réduit pas le flot sanguin et qu’il n’est pas trop serré.
L’occlusion du cathéter
Est une complication fréquente qui cause bien des soucis. On la reconnaît par l’impossibilité d’obtenir un retour veineux lors de l’aspiration, lorsque le retour veineux est hésitant ou encore qu’il n’est pas possible d’irriguer ou de per- fuser dans le cathéter. L’occlusion survient lorsqu’un caillot ou des cristaux de médicament bloquent la lumière interne du cathéter, lorsqu’un petit caillot recouvre l’extrémité du cathéter ou que l’extrémité du cathéter est sur la paroi de la veine. Dans tous les cas, l’occlusion doit être traitée parce qu’elle peut augmenter le risque d’infection, particulière- ment si elle est causée par la présence d’un caillot. Pour prévenir l’occlusion du cathéter, on utilisera une technique d’irrigation pulsatile (c’est-à-dire en créant de la turbulence en faisant des pulsations sur le pis- ton de la seringue lors de l’irrigation), un volume de solution adéquat (au moins 10 ml de solution saline suivi ou non d’une solution composée d’héparine) et une technique de fermeture adéquate. Il importe de valider avec l’infirmière la technique de fermeture à utiliser selon le type de bouchon (certains bouchons exigent que l’on clampe avant la déconnexion, d’autres après).
La migration du cathéter
Est décrite comme le dé- placement de l’extrémité distale à l’extérieur de la veine cave supérieure. Elle peut survenir à la suite de changements de pression intrathoracique, par exemple lors d’une quinte de toux ou lors d’un effort, mais également parce que le cathéter est partielle- ment sorti du site d’insertion. Lors de la migration, l’extrémité du cathéter peut se déplacer dans la veine jugulaire ou encore dans la veine brachiocéphalique transversale. Un mauvais positionnement de l’extrémité distale est un facteur de risque très important pour la thrombose. Pour éviter la migration, lors de l’insertion, l’on veillera à positionner l’extrémité dis- tale à la jonction entre la veine cave et l’oreillette droite. Parfois, un positionnement dans l’oreillette est même nécessaire pour éviter tout risque de migration dans la veine jugulaire. Comme autre moyen de prévention, une attention particulière sera portée à la portion externe au moment du changement de pansement afin que le cathéter ne sorte pas du site d’insertion. Si la portion externe venait à changer de plusieurs centimètres, c’est que le cathéter a migré. Aussi, en l’absence de changement de la portion externe, le patient pourrait entendre, au moment de l’irrigation, le son d’une rivière ou encore un flot du côté du cathéter. Si tel est le cas, le cathéter a fort probablement migré. Une radiographie du thorax s’impose alors et le cathéter ne devrait pas être utilisé jusqu’à ce qu’il y ait confirmation de son emplacement. On notera qu’il est normal de « goûter» ou de « sentir avec le nez» lorsque la solution saline est injectée. En effet, certains patients ont des sensations lors de l’irrigation du cathéter central lorsque des seringues préremplies sont utilisées. Cet effet secondaire est sans danger et « normal».
Réactions cutanées
L’érosion de la peau (seulement avec la chambre implantable)
Survient lorsque la peau devient tellement mince au-dessus de la chambre implantable qu’elle finit par se briser. Cette complication est souvent reliée à l’insertion, mais certains facteurs peuvent y contribuer tels qu’un pauvre apport nutritif et un poids insuffisant. Aussi, pour la prévenir, on remplacera l’aiguille tous les sept jours (lorsque la chambre est utilisée) et on variera l’endroit de l’injection en bougeant la peau sur le dessus de la chambre en évitant de repiquer dans le même site.
La dermatite de contact
Est une réaction cutanée causée par le pansement, le désinfectant ou la combinaison des deux, particulièrement lorsque le temps de séchage est insuffisant. Pour l’éviter, on prendra soin de laisser sécher complètement la solution désinfectante (sans faire de vent ni souffler !) avant d’appliquer le pansement transparent.
Les accès vasculaires font partie des outils nécessaires à l’administration des traitements intraveineux. Toutefois, ils ne sont pas sans risque. Le CCIVP peut sembler attrayant du fait qu’il est complètement retiré à la fin du traitement, mais il peut également être responsable de complications importantes. Lorsque la condition médicale nécessite l’utilisation répétée d’antibiotiques intraveineux, il est opportun de discuter avec son équipe soignante des différentes options afin de faire le meilleur choix et d’éviter d’endommager inutilement le réseau vasculaire, car cela peut réduire les options à long terme.
Une fois le choix fait et le cathéter en place, peu importe celui qui est en place, il faut en prendre grand soin et faire preuve de prudence afin de prévenir les complications évitables.
France Paquet
inf. M.Sc. CVAA(C), VA-BC(TM)
Consultante en pratique clinique – Accès vasculaires et thérapie intraveineuse
Bureau de soutien à la transition Centre universitaire de santé McGill
Montréal (Québec)
Canada
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