Dre Christelle Bergeron et Dr André Cantin
Service de pneumologie
Clinique de fibrose kystique (adulte) Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke
Les principaux avancements de la recherche en fibrose kystique dans la dernière année sont indéniablement liés aux nouveaux modulateurs de la fonction du CFTR. Depuis deux ans, l’arrivée de la triple thérapie (elexacaftor, tezacaftor et ivacaftor, trio nommé ETI) a transformé la vie de la majorité des personnes atteintes de FK. Nous vivons une véritable révolution dans le traitement de la FK. Ces changements tant souhaités depuis si longtemps nous encouragent énormément. Cependant, il reste à trouver des solutions d’une efficacité semblable pour l’ensemble des personnes atteintes de FK, incluant le 10 % dont le CFTR défectueux ne répond pas au ETI. De plus, comme cela arrive souvent, le nouveau traitement ETI apporte également de nouveaux défis dont nous discuterons.
Environ 90 % des personnes atteintes de FK ont au moins une mutation du type F508del et sont donc qualifiés pour un traitement par ETI. Chez ces personnes, les effets bénéfiques sont remarquables. La concentration de chlorure dans la sueur est un marqueur du défaut fondamental associé au CFTR défectueux. Les résultats du test à la sueur des personnes sous ETI s’approchent des valeurs observées chez les personnes atteintes d’une forme légère de la maladie. La fonction respiratoire s’améliore d’environ 14 % chez la majorité des personnes traitées par ETI, et mondialement, le nombre de personnes atteintes de FK en attente d’une greffe pulmonaire a diminué de façon importante. Le nombre d’exacerbations respiratoires, la principale cause d’hospitalisation et de détérioration des fonctions respiratoires, a diminué d’au moins 50 % à la suite du nouveau traitement. Les images bronchiques obtenues par tomodensitométrie du thorax après une année de traitement ETI démontrent une disparition spectaculaire de l’excès de mucus normalement visualisée dans les voies aériennes de personnes atteintes de FK. Des observations semblables sont également rapportées pour l’imagerie des sinus. Les effets bénéfiques du ETI se répercutent également sur le système digestif avec un gain de poids significatif et une amélioration du profil des vitamines sériques. Le diabète semble également s’améliorer chez plusieurs individus sous ETI.
La médication ETI est généralement bien tolérée. Quelques effets indésirables, dont des céphalées occasionnelles, une éruption cutanée, et parfois une sensation d’encombrement respiratoire sont observés, surtout dans les premières semaines de traitement, et s’améliorent par la suite. La prise d’ETI nécessite également un suivi médical régulier avec dosage des marqueurs sériques de la fonction hépatique et avec modification des doses selon les interactions du ETI avec d’autres médicaments. Malgré la prise de ETI, les personnes atteintes de FK doivent poursuivre les nombreux autres traitements de la FK à moins d’avis contraire de leur équipe médicale.
Plusieurs défis persistent dans le traitement de la FK, dont le plus pressant est la découverte de thérapies efficaces pour l’ensemble des personnes, peu importe leur type de mutation du gène CFTR. La majorité des personnes FK qui ne répondent pas aux critères d’admissibilité du traitement ETI ont une ou deux mutations de classe 1. Ces mutations provoquent une erreur de lecture du code génétique contrôlant la production de la protéine CFTR. Il en résulte une absence de protéine CFTR, ce qui explique l’inefficacité du ETI chez ces gens. Heureusement, il existe des molécules pouvant effacer cette erreur de lecture dans les cellules examinées au laboratoire. À la suite de ces observations scientifiques, les chercheurs ont collaboré avec l’industrie pharmaceutique et des cliniciens pour mettre au point des études cliniques qui détermineront la sécurité et l’efficacité clinique du ELX-02 combiné à l’ivacaftor. Les résultats préliminaires de ces travaux n’ont pas permis d’atteindre l’efficacité désirée, et les chercheurs examinent les données afin de déterminer si le manque d’efficacité est en lien avec une quantité insuffisante du médicament atteignant les cellules ciblées. Plusieurs groupes de chercheurs continuent de travailler sur d’autres approches, dont l’édition génique par ciseaux moléculaires du type CRISPR et la transfection du gène CFTR sain aux cellules bronchiques. Ces travaux sont la priorité de nombreuses fondations œuvrant en FK.
Le plus gros des défis associés à l’arrivée du ETI est toujours l’accès à cette médication coûteuse. Heureusement, au Québec, le traitement ETI est maintenant remboursé pour la majorité des personnes atteintes de FK et porteuses d’au moins une mutation F508del. Depuis peu de temps, le remboursement est maintenant étendu aux personnes de six ans et plus, peu importe leur fonction respiratoire (VEMS). Il est attendu que plus la correction du CFTR défectueux se fait tôt dans la vie, moins les personnes atteintes de FK auront des séquelles de cette maladie.
L’arrivée du traitement ETI est également associée à des situations médicales émergentes que nous devrons apprendre à reconnaître et gérer. Chez certaines personnes, particulièrement celles qui ont une fonction pancréatique résiduelle, l’introduction d’une thérapie ETI permet de lever l’obstruction des voies pancréatiques et biliaires. Une conséquence possible de cet effet est que le tissu pancréatique risque d’être exposé à une quantité abondante d’enzymes pancréatiques, ce qui pourrait générer des pancréatites. Des pancréatites causant d’importantes douleurs abdominales ont été rapportées chez certaines personnes sous ETI dont la fonction pancréatique était préservée. Nous avons également observé que le traitement ETI est souvent associé à une augmentation de la capacité d’absorption des vitamines A et E ainsi qu’à une diminution du glucose sérique chez les personnes avec le diabète. Il est donc important d’assurer un suivi médical et nutritionnel après le début de la prise de cette médication afin d’ajuster les suppléments vitaminiques et les traitements hypoglycémiants. Enfin, la prise de ETI peut engendrer des interactions médicamenteuses, ce pour quoi il est recommandé de toujours vérifier auprès de son équipe médicale avant de commencer une nouvelle médication.
Avec les bénéfices du ETI en FK, il est prévu que nous verrons une nette amélioration de l’espérance de vie, ce qui est formidable. Ce changement apportera également de nouvelles considérations médicales, dont le contrôle des facteurs de risque de la maladie cardio-vasculaire en FK. L’amélioration de l’absorption associée à la prise d’ETI apporte un gain de poids et nous commençons déjà à voir des personnes avec FK qui ont un surplus de poids et parfois une obésité. De plus, nous avons toujours recommandé à nos patients de manger une diète riche en gras, en calories et en sel. Ces recommandations chez des personnes sous ETI pourraient mener à une augmentation des risques d’obésité, de dyslipidémie, de diabète et d’hypertension artérielle, tous des facteurs impliqués dans l’apparition d’artériosclérose. Les recommandations nutritionnelles devront être modulées en fonction de la situation de chaque personne. Enfin, par le passé, les nombreuses bronchites, l’essoufflement, les douleurs abdominales, les difficultés à maintenir une masse musculaire adéquate et la lourdeur thérapeutique associée à la FK sont tous des facteurs qui favorisaient la sédentarité. Il sera important que les personnes sous ETI visent un niveau d’activité physique plus soutenu pour assurer une meilleure santé à long terme.
Les ajustements qu’apportent les traitements ETI représentent de beaux défis, car ils viennent le plus souvent avec une amélioration marquée de la qualité de vie. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour s’assurer que tous profitent des avancées importantes en recherche en FK effectuées dans les dernières années. La meilleure façon d’y arriver est de continuer notre travail d’équipe avec les chercheurs, les professionnels de la santé et les personnes vivant avec la FK. Ensemble, nous pourrons vaincre la FK.