Le rôle du calcium dans le maintien de la masse osseuse
La majeure partie du calcium emmagasiné dans vos os et vos dents est en quelque sorte un héritage de vos habitudes alimentaires acquises dès vos plus jeunes années (consommation d’aliments riches en calcium et en vitamine D). Le « potentiel osseux » se détermine donc principalement pendant l’enfance et l’adolescence, et perdure jusque dans la trentaine. Contrairement à ce que l’on observe dans la population générale, la perte osseuse en fibrose kystique (aussi appelée ostéopénie ou ostéoporose) débute beaucoup plus tôt. Une étude réalisée au Canada1 indique que ce problème survient très tôt chez les enfants fibro‑kystiques. Par ailleurs, chez les adultes fibro-kystiques, entre 50 et 75 % des individus auraient une masse osseuse abaissée, ce qui augmente le risque de fracture des côtes et a des répercussions indirectes sur la santé pulmonaire.
Le lait : coupable ou allié?
Le mythe voulant que le lait augmente les sécrétions respiratoires ne serait pas fondé, selon les conclusions d’une revue de littérature sérieuse2. Malheureusement, ce mythe persiste encore et plusieurs se privent ou se sont privés, tout au long de leur enfance, sans raison, d’une excellente source de calcium, au détriment de leur masse osseuse. En effet, selon une étude menée à Montréal, environ 65 % du calcium de l’alimentation des Québécois provient des produits laitiers.
Il serait faux de prétendre que le manque de calcium dans l’alimentation est la seule cause de la déminéralisation des os. En effet, l’utilisation de médicaments comme la cortisone, la pilule contraceptive, les déficiences en vitamines induites par la malabsorption et, tout au long de la vie, les infections, les changements hormonaux, le tabagisme, le café, les boissons gazeuses de type cola et le manque d’exercice sont parmi les causes qui contribuent à la déminéralisation des os. Cependant, des recherches plus poussées sont nécessaires pour mieux comprendre ce phénomène observé chez les personnes fibro-kystiques de tous âges et pour mieux intervenir.
Les adultes fibro-kystiques devraient-ils augmenter leur apport en calcium?
Il semble que oui. Un consensus d’experts a publié en 2005 des recommandations visant à prévenir et à traiter les problèmes osseux en fibrose kystique4, dont l’une préconise chez l’adulte la consommation (par l’alimentation et grâce à des suppléments de calcium) de 1 300 à 1 500 mg de calcium par jour au total. Ceci représente de trois à quatre portions de produits laitiers ou enrichis de calcium par jour (une portion équivalant à 250 ml de lait ou de boisson enrichie de calcium, à 175 g de yogourt ou à 50 g de fromage). Par comparaison, un adulte en santé devrait consommer 1 000 mg de calcium par jour, c’est-à-dire deux portions de produits laitiers.
Est-ce que j’ai besoin de suppléments de calcium?
Les suppléments de calcium, habituellement prescrits à raison de 500 mg deux fois par jour (ce qui s’absorbe mieux que 1 000 mg une fois par jour) sont souvent donnés dès que la masse osseuse est inférieure aux valeurs de référence. Il n’était pas d’usage, jusqu’à récemment, de considérer l’évaluation des apports en calcium avant de prescrire un supplément.
Selon les recommandations du groupe d’experts mentionné ci-dessus, les apports alimentaires en calcium des personnes fibro-kystiques devraient être évalués par le ou la nutritionniste de l’équipe de fibrose kystique, idéalement une fois par an. À ce résultat, votre nutritionniste ajoutera le calcium provenant des multivitamines (p. ex. 400 mg de calcium dans deux Centrum® Forte) et des formules nutritives (p. ex. 300 mg de calcium dans un Boost® 1,5) afin d’obtenir la somme de vos apports quotidiens en calcium (à cette étape, on n’additionne pas la teneur en calcium du supplément si celui-ci a été prescrit).
En résumé :
1re étape : Évaluation des apports quotidiens en calcium
Apports alimentaires en calcium + calcium des multivitamines + calcium des formules nutritives = total des apports quotidiens en calcium
2e étape : Évaluation des besoins en suppléments et recommandations nutritionnelles
- Si ce total dépasse 2 500 mg par jour, vous avez dépassé l’apport maximal toléré et devriez consulter votre équipe médicale et votre nutritionniste pour apporter les correctifs nécessaires.
- Si ce total se situe autour de 1 300 à 1 500 mg de calcium par jour, vous n’avez probablement pas besoin de prendre un supplément de calcium.
- Si ce total se situe sous le seuil de 1 300 à 1 500 mg de calcium, voyez avec votre nutritionniste comment il serait possible d’améliorer vos apports en calcium.
S’il ne vous est pas possible de modifier votre alimentation, il est particulièrement important d’envisager un supplément de calcium pour combler vos apports.
L’avantage à ne pas avoir à prendre de supplément est d’éviter les effets secondaires d’ordre digestif comme la constipation, qui est souvent observée après la prise de suppléments de calcium sous forme de carbonate de calcium (Os-Cal, etc.). On rapporte que les effets indésirables sont moins fréquents avec le citrate de calcium (Ci-Cal D-400), sous forme de pastille à croquer, contenant 400 mg de vitamine D aidant à l’absorption du calcium. Cette dernière forme de supplément serait mieux absorbée si vous devez aussi prendre des médicaments contre l’acidité gastrique (antiacides).
L’étiquetage nutritionnel et le calcium… pour mieux comprendre le « % VQ »
La teneur en calcium sur les étiquettes des produits n’est pas exprimée en milligrammes (mg), mais plutôt en pourcentage de la valeur quotidienne (% VQ). Or la valeur quotidienne de référence pour le calcium est estimée à 1 100 mg chez la population en général.
Vérifiez la valeur de l’apport quotidien (% VQ) à l’épicerie pour mieux choisir vos aliments. Par exemple, comparez deux fromages selon leur pourcentage de calcium et vous pourrez choisir celui qui est le plus élevé. Mais attention, car tous les aliments dits au fromage ne contiennent pas toujours du fromage : vérifiez le % VQ et vous serez en mesure de faire de meilleurs choix. En général, lorsqu’un aliment contient 15 % et plus de la valeur quotidienne en calcium (ceci est valable aussi pour les autres nutriments), cet aliment est une bonne source de calcium. Au contraire, lorsqu’un aliment contient 5 % et moins de la valeur quotidienne, il n’est pas considéré comme étant une bonne source de ce nutriment.
Par exemple, lorsque l’étiquette du yogourt indique qu’une portion de 175 g contient 17 % VQ en calcium, cela signifie que le produit contient environ 17 % de 1 100 mg, soit 185 mg de calcium.
Source: Santé Canada
Quels sont les aliments riches en calcium?
Les produits laitiers ou les boissons de soya ou d’amandes enrichis de calcium sont d’excellentes sources de calcium, car ils contiennent aussi de la vitamine D, qui facilite l’absorption du calcium. Ceux qui n’aiment pas le goût du lait pourront choisir le jus d’orange enrichi de calcium et de vitamine D : génial! La poudre de lait est aussi une solution pratique et économique pour enrichir le lait utilisé pour la cuisson ou les laits frappés : vous ne goûterez pas la différence! Les fromages à pâte ferme contiennent généralement plus de calcium que les fromages à pâte molle ou à tartiner. Les fromages gruyère et emmenthal sont les champions du calcium – ajoutez-en partout : dans les soupes, les salades, les sandwiches, les pâtes ou en collation avec un fruit. Le saumon en conserve devient une source de calcium intéressante lorsque vous consommez les os (qui s’écrasent facilement). Par contre, les légumes contiennent peu de calcium et celui-ci est difficilement absorbé.
Comme derniers conseils pour bien vous occuper de votre masse osseuse, passez un examen d’ostéodensitométrie comme le recommande votre équipe médicale, surveillez votre taux sanguin de vitamine D et de vitamine K (mesurée par le temps de coagulation INR), prenez bien les suppléments vitaminiques et minéraux tels qu’ils vous sont prescrits, faites de l’exercice, n’abusez pas du café et des boissons de type cola, ne fumez pas et ayez une bonne alimentation : vos os vous diront merci! Pour des conseils personnalisés, consultez le ou la diététiste-nutritionniste de votre équipe FK.
par Marjolaine Mailhot, Dt.P., M.Sc.
Nutritionniste-diététiste Clinique de fibrose kystique, Hôtel-Dieu du CHUM