De nombreux adultes atteints de fibrose kystique espèrent pouvoir devenir parents. Tandis que la fertilité des femmes fibrokystiques semble peu influencée par la maladie, plus de 95 % des hommes fibro-kystiques sont infertiles.
La grossesse chez ces femmes soulève toutefois un grand nombre de problématiques d’ordre médicale, sociale et éthique. Les progrès de la médecine de la reproduction permettent cependant d’offrir à ces couples une panoplie de traitements très efficaces.
Troubles de la fertilité
Chez l’homme
Les hommes atteints de fibrose kystique ont une fonction sexuelle tout à fait normale, mais la plupart d’entre eux (de 95 à 98 % selon les estimations) sont stériles.
En fait, les testicules de ces patients sont normaux et produisent des spermatozoïdes ; toutefois, une absence ou une atrophie des canaux déférents (tubes qui acheminent les spermatozoïdes des testicules au canal éjaculateur) empêche les spermatozoïdes de rejoindre l’urètre au moment de l’éjaculation. Les hommes qui présentent une agénésie congénitale bilatérale des canaux déférents (ACBCD) produisent généralement des spermatozoïdes en quantité suffisante, mais ces derniers ne se retrouvent pas dans le sperme éjaculé. Cette pathologie, présente dès la naissance, ne reflète pas une anomalie de développement des canaux déférents, mais plutôt un processus de dégénération de ces derniers, résultant d’obstructions similaires à celles que l’on observe dans le pancréas ou les glandes salivaires de patients atteints de fibrose kystique.
Nous verrons que l’existence de spermatozoïdes dans le testicule permet d’envisager, dans certains cas, une fécondation in vitro (FIV) par prélèvement dans l’épididyme ou directement dans le testicule.
Au cours de la dernière décennie, le lien établi entre la fibrose kystique et l’ACBCD a permis de déterminer une cause génétique à cette dernière, qui est maintenant, dans la plupart des cas, considérée comme une maladie bénigne secondaire à la fibrose kystique. La mutation du gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Factor) est recherCystic Fibrosis Transmembrane Factor) est recherCystic Fibrosis Transmembrane Factor chée lorsque l’on diagnostique une ACBCD. Il s’agit en fait d’une cause relativement fréquente d’infertilité masculine puisqu’elle représente de 1 % à 2 % de l’ensemble des cas d’infertilité. Ainsi, les deux parents doivent être porteurs de ce gène pour que l’enfant ait un risque d’ACBCD (évalué à 25 %). Inversement, la mutation CFTR est présente chez 98 % des patients atteints de fibrose kystique. De ce fait, presque tous les hommes atteints de fibrose kystique ont une ACBCD qui entraîne l’infertilité.
Plus généralement, les hommes qui présentent une ACBCD, une oligoasthénotératospermie sévère ou encore une azoospermie (absence de spermatozoïdes dans le sperme éjaculé) ont une probabilité élevée d’être porteurs de mutations du gène CFTR, et ce, même s’ils ne sont pas atteints de fibrose kystique. Ainsi, 85 % des hommes qui ont une ACBCD ne montrent aucun signe de fibrose kystique. En fait, dans la plupart des cas, l’ACBCD constitue le seul symptôme. Cette constatation implique que dans le contexte d’un programme de médecine de la reproduction pour ACBCD, environ 1 couple sur 27 court un risque très élevé d’avoir un enfant atteint de fibrose kystique (lorsque l’on considère qu’une personne sur 23 est porteuse d’une mutation CFTR, dans la population générale d’origine européenne).
Par ailleurs, le syndrome de Young est un trouble génétique qui affecte les cils situés dans les tubes et les canaux du corps. Chez l’homme, ce syndrome peut entraîner des problèmes respiratoires chroniques (dilatation des bronches) et l’incapacité à produire des spermatozoïdes (stérilité obstructive). Cette association pourrait constituer une forme élémentaire de fibrose kystique.
Chez la femme
Contrairement à l’homme, la femme atteinte de fibrose kystique ne présente pas de stérilité. Cependant, il est généralement admis que la fertilité de ces femmes se trouve réduite par rapport à la fertilité des femmes de la population générale. En principe, la femme atteinte de fibrose kystique n’a pas d’anomalie morphologique qui l’empêche d’avoir des enfants. La réduction de la fertilité serait due à l’un ou l’autre des facteurs suivants : – des ovulations de mauvaise qualité ou absente (essentiellement chez des femmes très dénutries) ; – un épaississement de la glaire cervicale qui gêne la pénétration du sperme dans le col de l’utérus ; – la présence de polypes dans le col utérin.
Il faut peut-être aussi souligner que le concept de la fertilité réduite n’a pas véritablement été prouvé par des études bien menées. En outre, actuellement certains auteurs signalent que jusqu’à 75 % des femmes atteintes de fibrose kystique qui désirent concevoir une enfant, le font sans devoir recourir à la procréation assistée. Cependant, il paraît raisonnable d’effectuer une exploration médicale lorsqu’une femme désirant avoir un enfant n’est toujours pas enceinte après six mois de rapports sexuels non protégés.
Recommandations médicales
Une question essentielle consiste à savoir si la grossesse ne risque pas de mettre en danger la santé de la future mère atteinte de fibrose kystique.
Contraception
Si la femme atteinte de fibrose kystique ne désire pas d’enfant, elle doit avoir recours à un moyen de contraception. Cette précision est importante puisque trop de jeunes patientes pensent être stériles et ne prennent par conséquent aucune précaution. Cette attitude n’est pas raisonnable, puisque des grossesses ont même été observées chez des patientes dont la maladie était fort avancée. La contraception hormonale est contre-indiquée uniquement dans les rares cas d’atteinte hépatique sévère. Par contre, si la femme désire avoir un enfant, mais n’obtient pas de grossesse spontanée, des investigations du tractus génital peuvent s’imposer et une insémination intra-utérine, voire une fécondation in vitro (FIV) pourront être envisagées.
Discussion des possibilités
Avant toute chose, le couple se doit de bien réfléchir à l’avenir de la famille et de l’enfant en tenant compte du pronostic des parents et du risque de transmission de la maladie. Un conseil génétique doit absolument être proposé aux patients atteints de fibrose kystique désireux de créer une famille. Ainsi, il faut vérifier si le partenaire est porteur d’une mutation afin d’évaluer le risque de transmission de la maladie à l’enfant. Le cas échéant, le couple doit être éclairé quant aux risques engendrés par la grossesse chez les femmes atteintes de fibrose kystique.
Leur première option consiste à tenter de concevoir avec leurs propres gamètes. Une évaluation de risque de transmission s’impose alors. Si le risque de transmission s’avère possible, on peut recourir à un diagnostic prénatal, par une amniocentèse par exemple (analyse génétique des cellules contenues dans le liquide amniotique). Se pose alors la question d’une interruption de grossesse. Il est également possible désormais de tenter un diagnostic préimplantatoire, consistant à analyser génétiquement les embryons conçus in vitro et à ne transférer que les embryons sains. Le couple peut également choisir d’opter pour un don de gamètes (spermatozoïdes essentiellement) ou de recourir à l’adoption. Il revient au couple de prendre cette décision, mais il s’agit là d’un choix difficile : un accompagnement psychologique peut donc s’avérer utile.
Fibrose kystique et grossesse
Chez les femmes atteintes de fibrose kystique, on constate que le nombre de grossesses a tendance à croître parallèlement à l’augmentation de leur espérance de vie. Les rapports initiaux de grossesse chez les femmes atteintes de fibrose kystique dans les années 60 étaient alarmants, et les chercheurs en concluaient qu’une grossesse n’était pas recommandée pour les femmes de cette population. De nos jours, les équipes soignantes sont plus à même d’informer les couples désireux de concevoir. De plus, grâce à l’amélioration des techniques de reproduction assistée, de plus en plus d’hommes atteints de fibrose kystique peuvent devenir pères.
Les femmes atteintes de fibrose kystique qui conçoivent représentent un phénomène relativement nouveau. Les registres colligeant ces patientes, comme celui de la Cystic Fibrosis Foundation, répertorient le nombre de grossesses et leur évolution depuis peu.
Enfin, soulignons que la grossesse n’accélère pas le processus de dégradation respiratoire, n’augmente pas le risque de complications et ne constitue pas un facteur de mortalité spécifique. En revanche, une partie de la réponse tient à l’état de santé de la femme avant la grossesse. Pour les patientes dont l’état clinique est stable, la grossesse peut être envisagée sous stricte surveillance médicale. En cas d’aggravation, une interruption médicale de grossesse pourra être envisagée.
Traitements et possibilités
Insémination artificielle par donneur (IAD)
En cas d’ACBCD, l’insémination artificielle par donneur peut être proposée. La femme est inséminée avec le sperme congelé d’un donneur. Il est impératif d’utiliser du sperme congelé afin de s’assurer que le spécimen n’est pas contaminé. À la suite du don, le sperme est gardé en quarantaine pour une période minimale de 6 mois et le donneur doit subir de nouveau tous les tests de dépistage avant que le spécimen puisse être utilisé. De cette façon, on s’assure que le donneur n’était ni porteur, ni en incubation d’une maladie lors du don, et on élimine ainsi la possibilité d’une contamination de la receveuse.
Fécondation in vitro (FIV)
En cas d’ACBCD, lorsque le couple souhaite utiliser le sperme du conjoint, le recours à une FIV est possible. Actuellement, la grande majorité des FIV est réalisée sur cycle stimulé afin d’obtenir non pas un seul ovocyte (œuf) par cycle, mais plusieurs. Cette stimulation ovarienne requiert une surveillance étroite basée sur les résultats d’échographies ovariennes et de dosages sanguins. Cette surveillance, appelée monitorage, permet d’amener à maturité plusieurs follicules et sert également à éviter une stimulation excessive.
Lorsque les follicules semblent avoir atteint une taille suffisante, il reste à déclencher l’ovulation par une injection de gonadotrophines chorioniques, un groupe d’hormones. Puis, 36 heures plus tard, les follicules ovariens sont ponctionnés. C’est dans ce liquide folliculaire que l’embryologiste récupère les ovocytes matures nécessaires à la fécondation.
En cas d’ACBCD, les spermatozoïdes doivent être prélevés directement par ponction à l’aiguille au travers de la peau scrotale ou directement par une biopsie chirurgicale des testicules, le plus souvent sous anesthésie locale.
Prélèvement épididymaire à l’aiguille (PESA)
Par la technique de l’ICSI (microinjection), on injecte un spermatozoïde directement dans chaque ovule, lesquels sont ensuite mis dans un incubateur à 37° C. Le lendemain, il est possible d’observer le nombre d’ovocytes fécondés (également appelés embryons), mais ce n’est que le surlendemain, soit 48 heures après la ponction folliculaire, que l’on pourra connaître le nombre d’embryons obtenus.
Deux jours après la ponction, les embryons comportent en moyenne quatre cellules. Ils peuvent alors être transférés dans la cavité utérine, mais souvent, leur culture est poursuivie in vitro durant une période d’un à quatre jours supplémentaires. Cette mesure permet une meilleure sélection des embryons, ce qui favorise les chances de grossesse.
Actuellement, dans la grande majorité des cas, les embryons transférés sont au nombre de deux. Le transfert n’est toutefois pas douloureux : un fin cathéter de plastique souple est introduit à travers le col dans l’utérus, et les embryons contenus dans une très petite quantité de liquide sont déposés délicatement dans la cavité utérine. Un test de grossesse sera réalisé une douzaine de jours plus tard.
La FIV en cycle naturel est une solution nouvelle consistant à ponctionner le seul follicule produit naturellement chaque mois (sans stimulation ovarienne) pour ensuite le féconder par le sperme du conjoint qui aura été prélevé du testicule. Malheureusement, cette technique est encore très peu répandue au Canada.
Diagnostic pré-implantatoire (DPI)
Le DPI permet de procéder au transfert sélectif d’embryons. Cette technique permet d’éviter le recours éventuel au diagnostic prénatal et à l’avortement thérapeutique qu’il peut entraîner. Techniquement, le DPI nécessite l’utilisation d’une FIV, en vue de l’obtention des embryons. Le diagnostic est pratiqué à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro par une biopsie embryonnaire généralement réalisée sur des embryons de trois jours. Enfin, le diagnostic de l’anomalie génétique est réalisé par des techniques de biologie moléculaire. Ne seront alors transférés in utero que les embryons dépourvus de l’anomalie déterminée. (Figure 4)
Conclusions
De nos jours, la majorité des patientes dans cette situation peuvent avoir un, voire plusieurs enfants en bonne santé, sans pour autant compromettre la leur. Une démarche multidisciplinaire rassemblant tous les médecins qui interviennent dans la procréation médicalement assistée (gynécologue, urologue, généticien, etc.) et permettant une prise en charge globale du couple est nécessaire.
Enfin, il est important que le couple prenne le temps de discuter des différentes possibilités de traitement dans l’intimité. Le rôle du corps médical ne consiste pas à imposer ses convictions personnelles, mais plutôt à fournir au couple les informations nécessaires afin qu’il puisse prendre une décision éclairée.
Dr Jacques Kadoch
Gynécologue obstétricien
NDLD : Les images et références sont disponibles dans la version PDF du SVB 2007