Témoignage de Nicole Laporte
Publié dans le SVB 2006
Chacun vit sa vie comme il l’entend. Personnellement, j’ai décidé que la mienne serait belle et heureuse, malgré les difficultés, malgré la maladie. Et dans les lignes que vous vous apprêtez à lire, vous découvrirez bien sûr un peu de mon histoire, mais également et surtout, la façon dont j’ai choisi de vivre.
J’ai 36 ans. Je suis la cadette d’une famille de neuf enfants. Je proviens d’un milieu social modeste où le travail, la persévérance et la ténacité ont toujours été valorisés. Mes parents ont su transmettre à tous leurs enfants ces valeurs fondamentales, sans pour autant mettre de côté le sens artistique dont ils étaient dotés. Je crois avoir hérité de celui de mon père et m’en considère privilégiée.
Étant la plus jeune d’une famille plutôt nombreuse, j’ai été entourée dans mon enfance de beaucoup d’attention et d’amour. Petite, j’étais très peu malade. Malheureusement, il n’en était pas ainsi pour mon frère Pierre qui est décédé de la fibrose kystique à l’âge de 17 ans alors que je n’en avais que 12. Il ne fait nul doute que la maladie de mon frère et son décès ont influencé le regard et l’attitude de mes proches à mon endroit et par conséquent, ont eu un impact sur celle que je suis devenue avec les années.
Je peux affirmer que la perte de mon frère a été pour ainsi dire mon premier grand rendez-vous avec la souffrance et la mort. Mon second rendez-vous date d’à peine quelques années : en peu de temps, mon état de santé s’est détérioré considérablement, j’ai connu de sérieux problèmes de pierres aux reins et j’ai perdu mon ami Benoît, un ami atteint de fibrose kystique en qui je retrouvais mon frère décédé.
Si les épreuves font grandir… on peut alors affirmer que je suis de bonne taille. Avec le recul, je constate que les épreuves des dernières années m’ont bien préparée à vivre cette difficile étape de la maladie que je traverse actuellement. Elles m’ont appris à dialoguer avec moi-même.
Aussi étrange que cela puisse paraître, je peux dire qu’aujourd’hui, je me considère comme ma meilleure amie. Je trouve les mots pour m’encourager et m’assurer que tout ça à un sens. Plus que jamais, je me sens prête à accueillir mes futurs nouveaux poumons.
Les épreuves m’ont également appris à être authentique. Ainsi, je n’ai plus peur de dire les choses comme elles sont ou plutôt comme je les ressens. Dernièrement, d’ailleurs, j’ai brisé le silence qui entourait ma maladie en présence des membres de ma famille. Je n’ai pas mâché mes mots afin qu’ils comprennent bien la gravité de mon état et jusqu’à quel point j’avais besoin de leur présence et de leurs encouragements. Soyez assurés que le message s’est rendu à destination. Je suis fière de moi.
J’ai décidé de ne jamais laisser le négatif prendre le dessus sur moi. Je trouve déjà la vie suffisamment difficile sans m’en mettre davantage sur les épaules. Il faut savoir dit-on s’alimenter l’esprit de bonnes choses. Et bien que ce ne soit pas toujours évident, c’est ce que je m’efforce de faire.
Parmi les choses qui m’aident à mieux vivre, la production artistique occupe une grande place. Comme je le disais plus haut, j’ai la chance d’avoir hérité des talents artistiques de mes parents. J’ai une imagination débordante et un talent certain en peinture. Lorsque j’ai un pinceau entre les doigts, je réussis à trouver l’apaisement. La peinture me permet à la fois de m’évader et de me réaliser. Quand je peins, je redécouvre la beauté du monde avec ses couleurs, ses ombrages, ses lumières, ses nuances, ses subtilités. J’entre dans mes toiles comme on entre dans un rêve. Je deviens arbre. Je deviens nuage. Je deviens rivière. Je ne saurais vous dire en mots ce qu’elle apporte à mon âme, à mon esprit.
Par ailleurs, étant curieuse et avide de nouvelles expériences artistiques, je ne me limite pas seulement à la peinture. Je suis très versatile. Je fais de tout : je produis des figurines en terre cuite, je confectionne des meubles miniatures en bois, je conçois des cartes de vœux, je produis des objets décoratifs (anges, boules de Noël, etc.), pour ne nommer que ça…
Au même titre que l’écriture pour certains, la peinture et l’artisanat sont pour moi des activités très thérapeutiques. Elles me permettent de m’évader de la réalité et de prendre congé de mes angoisses.
Lorsque je suis hospitalisée, il faut voir ma chambre se transformer en véritable atelier. Ma passion pour la peinture et l’artisanat s’est d’ailleurs souvent avérée contagieuse sur l’unité de soins fréquentés par les adultes fibro-kystiques. Dans ma phase « aiguë » de production de figurines, je me souviens m’être transformée en véritable professeure d’arts plastiques. Vous n’avez pas idée combien de patients hospitalisés, hommes et femmes, sont passés par ma chambre pour admirer mes petites œuvres d’art ou pour que je leur enseigne mes techniques de modelage et de production de figurines. J’étais occupée à un point tel que j’en oubliais mes maux de reins.
Comme vous voyez, je tire plaisir de la vie. Et lorsque je crée, j’ai l’impression de lui rendre hommage. De plus, je ne saurais omettre de dire que j’ai un conjoint merveilleux qui comprend ce que je vis parce qu’il est lui-même atteint de fibrose kystique, quoique greffé pulmonaire. J’ai une famille qui m’aide et me soutient et des amis d’une grande fidélité. Bien sûr, les limites que m’impose la maladie me font parfois vivre de grandes frustrations. Toutefois, je trouve mon bonheur là où il se laisse découvrir.